À bientôt, si dieu le veut !
Putain, j’suis triste, en fait.
Samedi 6 mai 2023
Je sais qu’il ne faut pas écrire avec un coup dans le nez, ni anticiper, d’autant que chaque fois que je flippe, l’avenir se révèle bien meilleur que mes scénarios, qui finissent tous sur des points définitifs.
M’enfin si tu veux, hier j’ai dépensé 200 balles que je ne regrette toujours pas, avec un coup dans le nez, et c’est tout de même vachement plus conséquent que d’écrire, alors merde. Et raconter ce que je pourrais perdre et finalement, qui sait, ne pas le perdre, c’est pas non plus très grave. Ça met les points sur les i pour les jours où je ne saurai plus où j’en suis alors que tout se sera, croisons les doigts, passé comme je voudrais.
Donc, vu qu’il n’y a littéralement aucun poste en Bretagne, et cette fois je suis bien placée pour le confirmer, vu que j’ai eu accès à la liste, j’ai toutes les chances de remonter au national. Et cette fois, pas de tergiversation, puisqu’accepter de partir serait bien plus définitif que lorsque j’envisageais une année de stage outre-mer. Donc, ce sera non. Traduction : si on m’offre un poste hors Bretagne, je le refuserai. Je perdrai donc le bénéfice de mon concours. Je démissionnerai donc de l’Éducation Nationale.
J’arrive pas à l’imaginer. J’arrive pas à envisager ce que je pourrais faire à la place, ni ce que deviendrait ma vie sans les gosses qui l’occupent depuis dix ans. Quand je dis qu’ils l’occupent, je veux dire qu’ils campent dans le champ d’habitude en friche qu’est mon cerveau. Je veux dire que ça me crève le cœur de les imaginer grandir sans moi dans les parages. Je veux dire que ma vie n’aurait plus de sens.
C’est pas seulement que je sais faire ce taf. C’est que j’aime le faire, plus que n’importe quoi d’autre.
Et sérieusement ? Avoir tafé pendant dix ans, et renoncer avec le concours en poche ? Me faire jarter, avec le concours en poche ? Sérieusement ?
J’ai quinze mille trucs à dire sur le thème « territorialisez le concours, bordel », mais pas du tout envie de les exposer maintenant. Je suis la première à dire qu’il faut envoyer les fonctionnaires là où on en a besoin d’eux. Mais pas après dix ans à les employer comme bouche-trous au même endroit. Pas quand le poste que j’occupe actuellement est « protégé », au cas où madame ne se plairait pas à la DDEC et voudrait revenir. Dans quel autre monde tu peux réserver ton emploi au cas où ton nouveau ne te conviendrait pas ?? Et pendant ce temps-là, on va se succéder dans l’établissement, un nouvel enseignant chaque année, qui arrivera comme moi en septembre, sans connaître l’équipe, qui passera l’année à faire sa place, et virera en juillet.
Elles me vont très bien, à moi, ces journées passées à m’arracher les cheveux parce qu’après une leçon sur le passé simple et l’imparfait, les cinquièmes se mettent à rédiger leur rédaction… au présent.
Ces journées où je demande aux troisièmes « vous savez pourquoi vos copies lamentables m’énervent ? » et qu’Ethan me répond : « parce que vous avez passé du temps à les corriger ? » Ah ben non, y’avait pas trop de points à compter, du coup,
Ces journées où Elouan me dit : « j’adore cette activité » et Kellyann « pff, je m’ennuie. »
Je mets ma main à couper que si j’arrête ce boulot, demain je suis de retour à l’usine. Autant te dire que ça m’enthousiasme pas – et que l’euphémisme va devenir ma nouvelle figure de style préférée. À propos, ma figure de style préférée, c’est l’hypallage, et si j’ai trois élèves qui s’en souviennent, je n’en ai aucun qui se rappelle ce que c’est, mais 100% d’entre eux qui essaient de la recaser à chaque fois qu’on leur demande d’expliquer le procédé utilisé.
Et puis bon, regardons les choses en face. Si je m’en vais, il restera une proportion plus importante de mes collègues guindé(e)s qui hoquettent devant la petite nouvelle et ses, je cite, « habits bizarres, mais bon. Une armure, sans doute. » Les mêmes qui ont passé littéralement vingt minutes à commenter la sexualité de Noah, qui « se cherche, de toute évidence » lors du dernier conseil de classe.
Tu vois bien que je peux pas partir.
7 commentaires
Coucou Nathalie,
Je te lis toujours sans rien commenter mais cet article m’a touchée…
Je travaille de temps en temps avec une école alternative locale ici en Ariège. Iels vont jusqu’à la terminale. J’aime beaucoup leur énergie et leur manière de grandir avec les enfants.
Tout ça pour dire qu’il existe peut-être des écoles hors Éducation Nationale autour de chez toi, et où ta passion aurait sa place :)
Je t’embrasse !
Laetitia
PS : j’ai toujours aimé écrire des textes ‘avec un coup dans le.nez’. Ils ont une honnêteté radicale qui fait souvent du bien à relire.
Merci Laetitia ! Ça me fait plaisir de te savoir dans les parages <3
Je conserve pour le moment un souvenir mitigé de la seule école alternative que j'aie visitée, lors de mon voyage en Allemagne, et je ne crois pas qu'on en ait dans le coin. Mais je me garde l'idée sous le coude, en effet :)
Coucou,
C’est quand même dingue ces histoires de poste. On peut pas obliger quelqu’un à déménager pour un boulot, et certainement pas à ton âge, et comme tu dis, après 10 ans à travailler dans l’éducation nationale, c’est une absurdité totale que ce soit le fait de passer le concours qui puisse te faire perdre ton boulot.
Mais du coup, il n’y a que cette solution ? Une année sabbatique ? Tu ne peux pas attendre qu’un poste se libère ?
Bon, on verra bien, il reste du temps, et sinon c’est clair que ça fera un gros choc mais il y a d’autres opportunités dans le milieu éducatif en général, peut-être que tu pourras te pencher là dessus si vraiment tu ne trouves pas de poste.
J’espère que tu recevras de meilleures nouvelles dans les mois qui viennent, en tout cas.
Bisous !
On peut obliger un fonctionnaire à déménager, et cela fait sens dans la mesure où il parait logique d’aller là où on a besoin de nous. Comme les médecins, en somme. Là où en effet cela ne fait plus sens, c’est qu’on pourrait, je ne sais pas, territorialiser le concours histoire d’éviter de le passer dans une région sans besoin, alléger les classes afin de travailler dans de meilleures conditions, annuler cette distinction concours privé / concours public qui m’empêche de travailler dans le public alors qu’eux manquent de profs…
J’attends toujours une réponse de mon syndicat qui m’indiquerait si je peux, le cas échéant, me mettre en disponibilité, ce qui signifierait que je ne quitte pas l’Education Nationale mais que j’attends qu’un poste se libère, tout en me permettant de travailler à côté. J’ai aussi signalé que j’accepterais un temps partiel, vu qu’en théorie, ils doivent nous caler sur des temps complets. En revanche, si je ne peux pas, cela signifierait non pas une année sabbatique mais une démission pure et simple.
Breeef, je suis stressée, mais je croise les doigts. De toute façon, ça ne dépend pas de moi :)
Oh la la ça serait terrible… dans ton dernier commentaire, tu parles de concours privé et de concours public et que cela t’empêche de travailler dans le public là où il y a des besoins, tu as donc un concours privé ? et tu ne peux travailler que dans le privé ?
Concernant un potentiel déménagement, si je comprends bien ça peut être partout en France ?!
Par contre, il me semble que les professeurs des écoles eux sont soumis à leur académie de concours.
As-tu des nouvelles du syndicat ? j’espère que les choses vont s’arranger et que tu trouveras une solution.
Oui, j’ai passé le concours en interne et avec l’option « privé ». J’ai beaucoup hésité, parce que je m’en fous pas mal au fond de bosser dans le public ou le privé, et j’ai finalement opté pour le privé parce que la Direction Diocésaine, qui chapeaute les enseignants du privé, a la réputation d’être plus attentive aux situations personnelles de ses agents.
Sachant que les agents du public qui se retrouvent sans taf sont prioritaires sur nous et peuvent nous « piquer » nos jobs dans les établissements privés, c’était peut-être une erreur. Le contraire en effet, n’est pas possible. Tu peux passer du public au privé, mais pas l’inverse (bien que ce soit le même concours !)
Si je remonte au national, oui, ça peut-être n’importe où.
À l’heure où je te réponds, on m’a fait une proposition, la plus géniale qui soit, j’ai rencontré le directeur et… il m’a dit « je vous prends, mais l’année dernière il y a eu des tonnes de saisines, donc rien n’est garanti, loin de là. »
Les saisines, ce sont les recours des gens hors académie à qui on n’aurait rien proposé, ou alors quelque chose qui ne leur plaît pas, et ces gens sont prioritaires. Je dois attendre jusqu’au 16. Et la proposition qu’on m’a faite est si parfaite que si elle me file sous le nez, je vais avoir bien du mal à pas l’avoir mauvaise, très très mauvaise :)
Alors je ne comprends vraiment pas pourquoi l’inverse ne peut pas être vrai…. en plus, on sait très bien qu’il y a un manque cruel de profs, ça semble tellement illogique parfois