[Constitutif] Enya
Ces morceaux qui te restent toujours. T’as l’impression qu’ils parlent pour toi. Ce truc qui mélodie à l’intérieur de toi à un rythme que tu te figures être le tien, alors que c’est l’inverse : c’est toi qui t’épelles au fil de notes étrangères. Pour une raison qui t’échappe, cette chanson, elle a défini tes contours.
Maman écoutait Enya et si elle ne l’avait pas fait, je ne serais sans doute pas la même personne. C’est ouf parce que Mal’ est une autre personne, quand bien même nous avons grandi au même endroit et dans les mêmes circonstances.
Enya a produit trois best-of en 97 : Oceans, Clouds, et Stars. Oceans est celui qui me fait le plus rêver, quand bien même il détruit l’harmonie de The Celts, Watermark et Shepherd Moon, dont je suis toujours incapable de déterminer lequel je préfère. Je sais juste qu’écoutant Oceans j’entends rebondir les vagues, et que j’ai l’impression d’avoir su le bruit qu’elles faisaient bien avant de les voir en vrai. Clouds est celui qui me fait le plus pleurer. Ces deux disques sont mes deux faces complémentaires. Pile, le réconfort, face, le salon orange.
Puisqu’Octobre – un an et un mois que je traîne ce brouillon – est là et que curieusement, Storms in Africa m’a toujours évoqué une chevauchée dans une forêt en automne, je vais commencer par celle-là.
Quant à Book of Days, j’imaginais en l’écoutant la course éperdue de deux amants enfin presque réunis.
Le morceau suivant peut provoquer deux effets : soit tu t’en sers pour me calmer un soir où je serais un peu trop agitée par à peu près tout ce que le monde peut créer d’énervant, soit, je suis bourrée et tu veux m’entendre parler de ma relation avec ma mère (je vois pas pourquoi tu voudrais faire ça, mais imaginons.)
La chanson suivante, The Celts, est, je crois, un de mes morceaux préférés de tous les temps. De ceux qui définissent tes contours, dont je parlais tout à l’heure. J’ai l’impression que si tu l’entends, tu m’entendras, moi. La mélancolie, l’ivresse, la nostalgie et l’envie de voyage. Les paysages intérieurs que sculptent tant les absents que les vivants. La douceur et le regret, la tristesse et l’enthousiasme dans un même élan.
Je ne sais plus si Mal’ a choisi Smaointe ou To go beyond II pour les funérailles de maman. La première, je crois. En tout cas, c’est à 2min20 de la première et 1min20 de la deuxième que je chiale. Je ne veux pas en amoindrir la portée en ne les intégrant pas directement à ce billet, pas plus que je ne peux te permettre de les écouter d’une oreille, tu comprends ?
Le truc avec les vieux morceaux d’Enya, c’est qu’ils ne sont pas toujours réconfortants. Mais c’est précisément ça qui a contribué à me forger. Ces titres dont je ne sais pas s’ils m’ont bercée ou terrifiée.
Je crois que c’est Watermark, mon préféré. Peut-être seulement maintenant, je ne sais pas. Il a la couleur du salon orange, et les mêmes ombres dans les coins.
Dans Shepherd Moons toutefois, il y a Caribbean Blue, qui me donne l’impression de baigner dans les reflets du soleil, sous la surface. Un peu comme Aldebaran dans The Celts, plus mystique et moins revigorant. Dans The Celts, il y a les cornemuses, et Fairytale, qui m’a tant apaisée.
Mais Watermark… Rien que son titre. Google me dit : « filigrane ». Moi j’entends : « la marque de l’eau. » Et les deux me siéent. Watermark, c’est la trace indélébile laissée par la mer sur ma peau quand j’y ai noyé les cendres de ma mère. Et c’est l’empreinte de souvenirs qui se voient par transparence.
4 commentaires
« Maman écoutait Enya et si elle ne l’avait pas fait, je ne serais sans doute pas la même personne. « J’aurais pu écrire l’exacte même phrase. Enya c’est mon enfance et ma maman aussi, par des liens évidemment différents mais j’ai l’impression tout aussi forts. Ca me plaît tant, l’art qui résonne tellement différemment et pareil à la fois.
Enya, c’est Cursum perficio alors que je m’endormais à l’arrière de la voiture tandis qu’il neigeait de nuit et qu’on rentrait des thermes – c’est celle-ci, la chanson fondatrice et fondamentale pour moi. C’est aussi Carribean blue dans mon baladeur cd en plein désert tunisien et la stupeur de deux mondes opposés qui se complètent tellement. C’est Orinoco flow où je ne comprenais pas encore l’anglais et je chantais à tue-tête « C’est Noël, c’est Noël, c’est Noël » au lieu de « Sail away »…
Merci pour cet article qui me donne tellement envie de me replonger dans sa discographie, en sachant toutes les ondes de choc intérieures et bienvenues que cela va provoquer <3
C’est Orinoco flow où je ne comprenais pas encore l’anglais et je chantais à tue-tête « C’est Noël, c’est Noël, c’est Noël » au lieu de « Sail away »…
Exactement la même ici :D
Je suis très heureuse de lire ces résonnances chez toi <3
Et puis il me semble qu'Enya est l'artiste parfaite pour traverser la saison sombre (parmi d'autres, certes, mais le côté cocon est bienvenu, je crois) :)
Enya ne résonne pas en moi comme en vous (je sais juste qu’elle chante une chanson pour le film Le seigneur des anneaux) mais ton article résonne quand même en moi par l’aspect puissant des chansons. Les souvenirs, les sensations qui y seront pour toujours rattachées, les personnes, les lieux, provoquant émoi et frissons. Merci pour le partage et ton article qui m’émeut…
Merci <3
C'est ton commentaire qui résonne, en l'occurrence, pour moi. Dans ton dernier billet, tu parles de Pop corn salé, une chanson que je n’aime pas, et j’ai adoré lire ce qu’elle éveillait, ce qu’elle touchait, en toi. Ça change la façon dont je l’entends, dans son double sens d’ouïr et de comprendre. Je penserai à toi la prochaine fois qu’elle passera sur Océane (et ça arrive souvent ;))