Écriture à la petite semaine #2
Récit-fleuve d’un voyage en Allemagne.
Dimanche 19 mars 2023, 20h05
Nous sommes arrivés si tard hier soir que c’est seulement maintenant que j’ai l’impression de pouvoir me poser. Autant dire que je ne suis pas super chaude à l’idée de me coucher tôt !
Partis hier donc, à 10h48 de la gare, mais à 9h pour moi de la maison, nous sommes arrivés aux alentours de 20h30, après avoir changé trois fois de train et beaucoup attendu – encore, nous avons eu de la chance car le train pour Mannheim, annoncé avec 33, puis 55 min de retard, a seulement eu une demi-heure de retard.
Mais je m’embrouille, reprenons au début. Nous avons pris le train sans difficulté à Lamballe. Shahrzad et moi sommes allées acheter des tickets de métro à un prix exorbitant à la voiture-bar, histoire d’être tranquilles par la suite. Mais le pire n’était pas le prix : c’étaient les mecs déjà bourrés en route pour le match France-Pays de Galle… Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas fait alpaguer par des beaufs ! C’est à Montparnasse que nous attendait la plus grande épreuve, puisqu’il fallait emmener onze mômes Gare de l’Est, via la ligne 4 qui était bondée. C’était mignon, j’ai pris les 3A avec moi, on voyait bien qu’ils vivaient une grande aventure, tout les stressait (je vais pas leur jeter la pierre, moi aussi ça me fait flipper quand je vois que la rame est bondée et que je compte combien de personne je vais devoir pousser pour sortir avec ma valise.)
Gare de l’Est, nous apprenons donc que le train a du retard. Le principal problème, c’est qu’on va louper la correspondance à Mannheim. Je finis par trouver la boutique des renseignements, ouverte. C’est Shahrzad qui y va vu que c’est elle qui a tout organisé. On nous assure une prise en charge. En fait, y’a rien de spécial, juste on trouve un autre train, qui va directement à Wiesbaden (alors que les parents allemands venaient de s’organiser pour aller nous chercher à Mainz.)
Enfin arrivés à Wiesbaden, les élèves se sont d’un seul coup transformés. Alors qu’ils étaient fort agités (ça reste des enfants, plus c’est fatigué plus ça parle fort et ça remue), les voilà qui avancent au ralenti, tétanisés à l’idée de rencontrer les familles qui vont les accueillir.
Nous les laissons enfin partir, perso ça fait deux heures que j’en peux plus et que je bouquine en les surveillant du coin de l’œil. Mais Ilona, la prof de français qui a réservé un appart’ pour moi, m’invite à dîner, c’est logique puisque je n’ai pas eu l’occasion de faire des courses, et évidemment tout à fait adorable. Je me retrouve au beau milieu d’un dîner de famille, son fils et sa belle-fille étant arrivés la veille, un peu par hasard. Ce qui rend les choses compliquées, c’est que contrairement à ce à quoi je m’attendais, personne ne parle anglais hormis la compagne du fils d’Ilona !
Ilona me raccompagne à l’appart, à pied, vers 22h30 je pense, et j’ai juste le temps de m’installer, de prendre une douche et d’appeler Mathias avant de m’écrouler.
J’avais pensé passer un dimanche tranquille, à glander en écoutant de la musique, mais Ilona a à cœur de m’accueillir dignement, aussi elle m’emmène jouer aux boules avec sa famille et ses amis au bord du Rhin. C’est super sympa ! Mais encore une fois, difficile car je ne peux communiquer qu’avec elle et Yolande, qui fait de son mieux pour me parler, mais je ne comprends pas toujours son anglais, impeccable (elle parle bien mieux que moi, avec une fluidité dingue), mais teinté d’accent allemand.
Ensuite, nous sommes allés manger dans une pizzéria qui est supposée avoir gagné le concours de la meilleure pizza du monde, et je crois que j’ai limite vexé Ilona en choisissant d’y manger des pâtes.
L’après-midi nous sommes allés visiter le monastère d’Eberbach, où ont été filmées certaines scènes du Nom de la Rose. Ensuite nous avons déambulé dans Eltville. Y’a des propriétés, dans ce coin… Mazette que c’est friqué ! Pas forcément beau – en revanche le Rhin borde le bourg et c’est super, on peut picoler du vin blanc sur les berges, et il y a un genre « d’armoire » où les insectes peuvent se reproduire si j’ai bien compris, Ilona m’a dit que c’était courant en Allemagne… Quand je pense que nous on en est encore à apprendre aux gens la différence entre un bourdon et le mâle de l’abeille, je me dis qu’on ne regarde pas les bonnes choses chez nos voisins. (Qui bossent jusqu’à 67 ans, je dis ça à destination de mes collègues qui ne se souviennent de l’Allemagne que quand il faut dire que les profs y sont mieux payés – ouais, et ils bossent plus et plus longtemps, je dis ça je dis rien.)
J’ai été assez soulagée qu’Ilona revienne sur sa proposition de m’inviter à dîner (vu que je n’avais toujours rien à manger.) Je ne sais pas si elle en avait marre de moi, en tout cas elle était fatiguée et moi j’avais envie d’être seule donc ça tombait très bien ; elle m’a dépannée d’une boîte de lentilles aux légumes avec du pain, et son compagnon m’a ramenée chez moi. Je n’y suis pas restée longtemps vu que j’avais envie d’une BIÈRE, nom de dieu ! J’ai tourné pendant trois quarts d’heures avant de retrouver la station service que j’avais repérée en voiture et que je croyais trop loin de chez moi, et je suis rentrée infiniment contente, de moi, et d’être seule pour écouter de la « musique allemande » sur Spotify (qui m’a retrouvé Was wollen wir trinken de d’Artagnan, c’est la raison pour laquelle c’est maintenant dans ma capsule temporelle, complètement en décalage avec ce qui s’y trouve déjà, mais parfaitement en accord avec ma soirée.)
Je savais que ce voyage me serait pénible par certains aspects et c’est en partie pour ça que je m’étais proposée, car cela fait longtemps que je ne suis pas sortie de ma zone de confort (enfin si on excepte le fait d’être inspectée, d’aller à Rennes ou à Châteaulin tous les quinze jours j’ai l’impression, et de faire du jeu de rôle enregistré avec Taka !) Mais partir à l’étranger avec une collègue et certains élèves que je connais mal, avec dix heures de voyage aller et dix heures retour, ça reste un pari pour moi, on va dire.
Je suis très contente d’être ici, et je prends plaisir à essayer de réapprendre les bases : comment dire bonjour, merci, au revoir, à tes souhaits, etc. Je suis très contente d’être seule ce soir, à taper ce journal de bord foutraque en écoutant du metal allemand. Mon père avait raison, j’aurais dû apprendre l’allemand. Peut-être que ça m’aurait permis de comprendre partiellement ma famille néerlandaise, et puis finalement je suis allée bien plus souvent en Allemagne qu’en Espagne, même si le Mexique reste une destination que j’aimerais vraiment rallier un jour. Le truc c’est que mon espagnol est désormais bien trop fragmentaire pour m’être utile.
Je pense à mes élèves, je me demande comment ils se sentent. Je suis particulièrement impressionnée par Gaspard, qui est autiste et qui d’après Shahrzad débordait d’enthousiasme à l’idée d’entreprendre ce voyage. À leur place, je ne sais pas si j’aurais accepté. C’est dur, à quatorze ans, de partir si loin de chez soi, dans un pays dont on parle à peine la langue, dans une famille qui va nous accueillir et où on sera seul. Les hispanistes, ils seront hébergés comme je l’ai été dans une famille, mais à plusieurs, ils n’ont pas de correspondants comme nos germanistes.
Ça me rappelle des souvenirs, tiens. Mon voyage en Espagne, quand j’étais en quatrième, c’est là que j’ai rencontré Julia !
Bref, demain lever 6h30, je dois attendre Ilona dehors à 7h30, elle m’emmènera au collège, où les élèves vont faire du sport en équipes avant d’aller en cours. Nous aussi on va aller en cours, j’espère que je pourrai assister à un cours de français, tant qu’à faire, ou à un cours d’anglais, mais j’aimerais bien communiquer avec des gens et pas nécessairement en français.
L’appart est chouette. Très cosy – j’écris dans un fauteuil confortable et recouverte d’un plaid. AAAH un ptit Sabaton, cool ! (ils sont pas allemands, ceci dit…) J’espère que demain je parviendrai à faire des courses et à rentrer à une heure décente. Je veux bien sortir de ma zone de confort, mais c’est quand même plus simple et surtout enrichissant si je peux ensuite recharger mes batteries – seule, donc. Je me demande si Ilona l’a mal pris quand, après qu’elle m’ait proposé de venir petit-déjeuner demain matin (« comme ça on part directement de chez moi »), j’ai décliné en lui disant que je ne préférais pas, parce que je n’étais pas du matin et que j’avais besoin de temps pour démarrer. Surtout qu’elle a dit “si tu te sens seule, n’hésite pas”, et que j’ai répondu « non, non, ne t’inquiète pas, j’aime bien être seule, tu sais », je me suis demandé si c’était impoli, de dire ça à quelqu’un qui vient de te consacrer tout son dimanche et de te filer de la bouffe.
Ça commence à faire un bout que je n’avais pas été seule. Ma seule occasion, c’est quand Mathias part faire sa semaine de geek au mois d’août. Et ça se passe souvent très différemment, parce que c’est août, déjà : vacances + deuil. Là je ne suis pas livrée à moi-même, j’ai un planning à respecter, ça reste dans le cadre du boulot. Je ne sais pas comment je vais vivre une semaine entière à ce rythme, mais c’est assez étonnant de redécouvrir mon écriture quand elle est automatique ; cela fait une éternité que je n’avais pas tenu de journal, que je n’avais pas écrit sans me préoccuper d’esthétique, juste pour moi, pour voir ce qui en ressort, et avec une certaine gourmandise, comme si ça faisait des lustres que j’attendais ça, de faire ce que je veux quand je veux, d’écrire ce que je veux comme je veux. J’aime bien aussi ne pas savoir exactement de quoi demain sera fait, et que ça ne dépende pas de moi.
Ce n’est pas très facile de trouver ma place en tant que prof, en revanche. Mais je me rappelle qu’Anne était ravie que ce soit moi qui accompagne Shahrzad. Peut-être que c’est juste ça, ma place : j’accompagne, tout le monde sait que c’est à Shahrzad qu’il faut se référer pour toute question d’organisation et même de responsabilité, et moi je serai là pour faire traverser la ligne 4 aux gosses, qui me font confiance pour ça, ainsi que pour la gestion de leurs tickets, le port de béquilles ou de valises et le bureau des angoisses. Pas mon meilleur skill, celui-là, mais encore une fois, ils semblent apprécier ma façon de gérer ou au contraire de ne pas intervenir, donc on verra bien.
De toute façon, cette place, c’est ce qui m’a toujours fait le plus peur, ce que j’ai toujours craint de ne pas avoir, et puis finalement, quoi ? J’ai des élèves qui m’apprécient assez pour me le dire. Assez aussi pour s’efforcer d’être à leur meilleur quand je me fais inspecter. Est-ce que ça n’est pas suffisant ?
J’écris blottie sous un plaid avec Spotify qui pourvoit à tous mes caprices, depuis l’Allemagne que j’ai craint de n’avoir pas le courage ni la patience de rallier, après avoir passé la journée avec des inconnus, et y avoir survécu sans me demander toutes les cinq secondes si j’étais trop moi et pas assez cela. J’ai fait de mon mieux, et si ce mieux n’est pas à la mesure des attentes des gens en face de moi, c’est que nous ne sommes pas faits pour nous rencontrer. Je ne vais pas, ni ne souhaite devenir quelqu’un d’autre. Ce que je suis, c’est ce qui fait que j’apprécie tant Elise, c’est ce qu’excusent Hélène et Stéphane, c’est ce qu’aiment Mathias et tout un tas de gens, apparemment. Haut les cœurs, Nath, tu peux t’excuser mais pas te mépriser.
Mardi 21 mars 2023, 20h23
Moi qui avais hâte d’assister à un cours en Allemagne, j’ai été pour le moins déçue. L’établissement est super : c’est une école Steiner, qui accueille des élèves du CP à la terminale. Il y a un jardin où les élèves de huitième cultivent leur propre parcelle et élèvent des poules, un atelier d’ébéniste, une salle de menuiserie, un studio de musique, un cours d’eurythmie, bref, c’est le paradis de la pédagogie alternative et je pense qu’il y a plein de choses à en tirer… Mais alors les élèves… et la façon dont ils sont gérés, ou pas gérés justement… Waw. J’avais jamais vu un bordel pareil. Ça se déplace en plein cours, ça se bat, un avion en papier est passé par la fenêtre, on s’entendait pas causer, et apparemment c’était tout à fait normal et personne n’a jugé bon d’intervenir. A la fin de l’heure, nous avons dû redresser une table qui avait été bazardée ! Mes élèves n’en revenaient pas, et m’ont dit que c’était pareil même chez les petits. En balade au bord du Rhin, je reste en arrière pour garder un œil sur les derniers, mais je suis bien la seule que ça intéresse. Ilona cavale devant sans se soucier de les faire traverser ou de vérifier qu’ils suivent.
Cette seule heure de cours m’a beaucoup éprouvée – il faut dire que j’étais bien malade. J’ai été absolument ravie de rentrer tôt, après avoir pu faire des courses. J’ai eu l’impression qu’Ilona me regardait bizarrement quand j’ai ajouté de la bière à mon chariot ! J’ai pourtant été très sage : je me suis préparé une salade, j’ai corrigé un tas de copies, dîné à 17h45 (!!) puis j’ai bu deux bières devant Brooklyn 99, avant de me coucher à 21h30 !
Aujourd’hui, nous sommes allés à Oberwesel par bateau. Tout le long du trajet sur le Rhin, on peut apercevoir des châteaux-forts, certains en ruine, d’autres transformés en hôtels de luxe. Il pleuvait et il faisait froid, mais ce qui a fait fuir nos élèves français (les Allemands étant restés au chaud), ce sont les touristes indiens ! Ils les prenaient en photo comme s’ils faisaient partie du paysage, c’était hyper bizarre. J’ai vu l’un d’eux jeter son mégot dans le fleuve, j’ai eu du mal à ne pas réagir.
À Oberwesel, nous avons fait à pied l’ascension jusqu’à la tour de Shönburg. C’est aujourd’hui un hôtel, avec des chambres à 320€ la nuit, je suppose que ça justifie que le type qui tenait la boutique nous foute littéralement dehors… On était sous la pluie dans la cour, on s’organisait pour redescendre, et le gars nous a fait signe de dégager en accompagnant ses gestes de franglais, en mode « vous dérangez »… Pourtant toute une partie est accessible aux touristes, d’où le chemin de randonnée. On n’a même pas eu le droit de s’asseoir dehors, tu comprends c’est réservé pour les clients de l’hôtel ; je suis sûre qu’ils rêvaient de déjeuner sous le crachin par douze degrés. T’imagines le pauvre type, il a expliqué à nos élèves que les vieux machins portraiturés sur chaque mur de son échoppe étaient ses ancêtres, et maintenant il tient une pauvre boutique qui vend des épées en bois made in China (et des triskels…), mais il s’y croit toujours assez pour nous souhaiter « bonne chance » alors que nos gamins ne faisaient rien de mal, et nous fout dehors comme si on était des mouches devant son auguste faciès.
Je suis redescendue en taxi avec Marion, Méora et Léa. Toujours compliqué quand personne ne parle anglais, heureusement je savais qu’il fallait indiquer “die Eis Schuller” (je te le fais en phonétique, je ne sais pas ce que j’ai dit mais apparemment c’est pas ça :)) et Méora m’a aidée à faire comprendre que j’avais besoin d’une facture (parce que ça se dit pas billig :D)
Il était tôt, tout était fermé, je suis allée directement à la gare avec les filles pendant que le reste du groupe visitait la ville. Deux trains plus tard (et pas mal d’attente, avec les gamines les plus cools du monde), nous voilà à Mayence, où tout le monde embarque pour Wiesbaden, sauf moi, parce qu’Ilona se fait ramener à l’embarcadère où se trouve sa voiture, et que la maman qui s’en charge gentiment n’a pas trente-six place dans sa caisse. J’ai environ une heure et demie à attendre ! Je me dis que je pourrais essayer de rentrer à pied, ou de visiter le centre-ville, mais je n’ai pas envie de faire les boutiques, je ne sais pas où est le vieux centre, ni combien de temps ça prendrait de retourner à Finthel, et Google Maps refuse obstinément de fonctionner. Résultat je reste à la gare, où je parviens tout de même à trouver un café normal, américain quoi. Quand Ilona arrive enfin, je n’ai qu’une envie, c’est de prendre une douche chaude et de boire une bière sous ma couette, mais elle se sent tellement coupable qu’elle me dit, pleine d’enthousiasme : « voilà ce que j’ai pensé : je ne vais pas au sport, on va s’acheter de bonnes choses, on se cuisine un truc sympa toutes les deux et on ouvre une bouteille de vin. » Je ne peux pas refuser, alors on va acheter des saucisses, elle me prépare des pommes de terre au four et on boit du Riesling (excellent.) « Heureusement », elle est crevée, alors je pars tôt, juste après avoir rangé.
J’ai beaucoup aimé cette journée, je trouve nos élèves vraiment adorables, je suis très fière que ce soit les nôtres ! On s’entend bien et j’ai senti qu’ils me faisaient confiance, ça m’a fait très plaisir.
Jeudi 23 mars 2023, 20h32
Mon dieu ce voyage est interminable ! On n’a fait que des trucs chouettes et je ne regrette pas d’être venue, mais je commence vraiment à mesurer combien soit mes batteries se vident bien plus vite que celles des autres, soit à quel point je suis insociable.
Hier, nous avons visité le musée Gutenberg, la guide française était super et le musée est super bien fait, et puis j’étais trop fière de nos élèves qui étaient attentifs et faisaient des remarques pertinentes. Nous avons pu voir une des premières Bibles imprimées – je trouve toujours émouvant de voir de vieux livres – et après la visite les enfants ont pu imprimer à l’ancienne, en choisissant les matrices qui leur plaisaient, ajoutant éventuellement du texte, badigeonnant tout ça d’encre et hop, on presse. Marion a accepté d’imprimer un Totoro pour moi <3
L’après-midi, Ilona nous a traînés au pas de course aux quatre coins du vieux centre. Nous avons visité deux églises baroques, sublimes (ça a même plu aux élèves !) et une avec des vitraux de Chagall. En revanche le Dom m’a déçue, l’extérieur est très beau mais l’intérieur absolument sinistre.
Après ça, temps libre.
Nous, on a été boire une bière dans une petite rue, je commençais à atteindre le point de non-retour. Les filles m’ont dit : « ah, tu préfères sans doute être dehors pour pouvoir fumer », et je n’ai pas réussi à leur faire comprendre, je crois, que je préférais être dehors parce que l’idée d’être enfermée dans le bruit me fatiguait.
On a dû raccompagner les mômes à la gare puis retourner sur les berges du Rhin où Ilona avait garé sa voiture, elle voulait qu’on aille dîner à 18h et même si je suis décalée en ce moment, j’ai vraiment du mal avec cette habitude allemande de manger n’importe quand, et je n’avais absolument pas faim. De toute façon j’étais exténuée. J’ai dit que je voulais rentrer, je suis quand même ressortie racheter quelques bières pour avoir de la réserve, et après m’être enfilé un saladier de… salade à base de pâtes et de haricots rouges, j’ai tout éteint à 21h30 (j’oublie de préciser que la veille je m’étais couchée à 23h30 et pas trop sobre :))
Aujourd’hui, on a randonné. Quatorze kilomètres et des dénivelés qui ont achevé Shahrzad, ce qui m’a intérieurement réjouie parce que ça veut dire que je suis en bien meilleure forme physique qu’il y a quelques années. Par contre les gosses allemands vont souffrir en Bretagne, ça pouvait pas déjeuner en haut de la colline parce que « il y a du vent, on va être malades »…
Au retour de la rando… Le car qui devait venir nous chercher était tombé en panne. On a attendu deux heures et demie ! J’étais frigorifiée, heureusement les gamins ont fait du feu (on était à un genre de halte avec un foyer.) J’ai piqué du nez au retour, c’était très étrange comme sensation, je fermais les yeux et j’avais conscience que mes pensées n’avaient aucun sens. J’avais le vertige.
De retour au collège, Ilona voulait absolument qu’on aille boire un verre, et j’ai décliné. J’ai bien essayé de lui expliquer, l’énergie, le besoin de solitude, mais je pense que pour le coup elle est trop « normale » pour comprendre. Elle me fait penser à ma famille suédoise : des gens toujours en forme, qui voient du monde tout le temps et pour qui le kiff absolu c’est de passer leur dimanche avec des gens. Moi, après une journée entière à « faire des trucs », avec des gens, je donnerai n’importe quoi pour qu’on me foute la paix. De retour en France, il faudra que j’achète un truc chouette pour Ilona, on ne peut pas dire qu’elle n’aura pas fait de son mieux et je pense que je la perturbe (en espérant ne pas la blesser).
Bon, allez, plus que demain, puis l’enfer se déchaîne pour notre retour, qui inclut un trajet en RER un jour de grève (?), pour aller prendre un car qui nous ramènera en Bretagne, puisqu’après l’annulation de notre train, notre directeur n’a pas eu l’idée de regarder s’il n’y en avait pas d’autres (la réponse est : oui, il y en a un qui nous aurait ramenés pour 20h et des bananes, mais je préfère ignorer cette version de la réalité, pour survivre.)
Vendredi 24 mars 2023, 20h46
Dernier jour. J’ai eu droit à une grasse mat’ puisqu’Ilona allait chez le médecin. L’après-midi, nous avons visité Wiesbaden. C’est très beau. La ville a été préservée des bombardements parce que les Américains y avaient établi leur quartier général. Ville magnifique donc, mais excessivement friquée.
Après, nous sommes rentrés faire une petite fête avec les parents d’élèves. Une maman parlait français, mais après que je n’aie pas su lui dire combien il y avait d’élèves dans notre collège, elle s’est désintéressée de moi. Pas ma faute si je suis incapable d’estimer des ordres de grandeur !
Ilona me demande toujours si j’ai bien aimé ce qu’on avait fait, même cette petite sauterie, j’avais bien envie de lui répondre que je m’étais fait chier comme un rat mort pour des raisons évidentes, mais je suis polie alors j’ai souri et j’ai dit que c’était très bien.
Allez, demain à la même heure, je serai presque arrivée.
Dimanche 26 mars 2023, 21h46.
Minuit. Je suis arrivée chez moi juste avant minuit ! On a mis une heure à monter dans le RER, alors qu’il y a même pas dix minutes de marche entre la gare de l’Est et la gare du Nord ! Mais c’était sans compter la billetterie automatique qui ne fonctionne pas (26 tickets à acheter) et le fait que je confonde Orly et Charles de Gaulle… Heureusement que Shahrzad s’en est aperçue avant qu’on ne monte dans la rame…
Le trajet a été infernal. En vrac : le train Mainz-Mannheim avait dix minutes de retard (mais le TGV en correspondance nous a attendus), y’avait match à Mannheim donc c’était blindé de mecs qui picolaient, un type a fait un malaise et dégueulé, à Paris on a mis presque deux heures à rallier le car et le chauffeur devait faire trois quarts d’heure de pause vu la durée du trajet. Quand j’ai enfin quitté Lamballe, je suis passée à deux doigts de l’embouteillage monstre parce qu’un gars s’était accidenté à hauteur de Plérin (vu la caisse, l’état dans lequel elle était et celui, beaucoup moins grave, des deux autres voitures arrêtées, je table sur une pseudo-racaille en Audi, un de ceux qui roule à 110 à l’entrée du viaduc alors que l’endroit est hyper dangereux et qu’il pleuvait des trombes.) Les secours n’étaient pas encore arrivés alors on pouvait contourner (et dieu merci le pont n’est pas fermé le week-end, je crois que j’aurais pleuré.)
Dans le car, Ilona a demandé : « on est déjà en Normandie ? » Moi : « on ne passe pas par la Normandie. » Elle : « si, après Paris c’est la Normandie, puis la Bretagne. » Je crois que je sais mieux que toi ?!? On est passé par Le Mans bordel (et heureusement !)
Les gosses allemands (de cette école) sont décidément hyper mal élevés et leurs profs n’interviennent que sous pression. Ils faisaient des tractions sur les porte-bagages ! Asim a été contraint de s’asseoir derrière moi et je lui ai dit de boucler sa ceinture, mais cinq minutes plus tard son prof le libérait – des fois que les parents portent plainte pour maltraitance, on sait jamais. Je suis désolée mais j’en ai rien à foutre que les gamins maugréent dans mon dos – ou pas -, c’est leur rôle, le mien c’est de les garder en sécurité. D’ailleurs, les profs allemands n’ont aucune relation particulière avec leurs élèves, ces derniers leur adressent la parole quand ils ont une question, mais c’est tout. Les nôtres, on discute avec eux, on plaisante, on échange, et ils viennent nous voir quand ça ne va pas.
Breeef.
Le changement d’heure ne pouvait pas plus mal tomber, je suis complètement décalquée.
Mais je suis rentrée chez moi, Ubik m’a manquée de ouf, mon chat est tout doux et il sent bon, et le prunier bourgeonne. Que du bonheur.
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