Écriture à la petite semaine #9
Starlight
I will be chasing a starlight
Until the end of my life
Vendredi 16 août
Il est 22h14. Je suis enroulée dans un plaid, le casque vissé sur les oreilles, et je vais tenter de me rassembler.
Les gens qui me connaissent bien, dont Ubik et sa sœur, s’inquiètent désormais toujours pour moi quand ils me sortent. Ils vérifient que je ne panique pas, que je ne vertige pas. Je leur en suis d’autant plus reconnaissante que je ne me rends pas toujours compte de leurs efforts. En revanche, ce qui me frappe, c’est que cette rupture que j’ai vécue m’a aussi offert une opportunité : celle d’exprimer des choses qui lui préexistaient et dont je n’avais jamais parlé, peut-être parce que j’avais l’habitude et que je croyais que c’était « normal ». Mon rapport à la foule, par exemple. Quand on marche dans des rues bondées, je ne suis pas capable d’avoir une conversation. Je ne me sens pas nécessairement submergée, mais je ne peux pas faire les deux en même temps, circuler et me concentrer pour répondre. Je peux écouter, par contre. C’est pareil dans une pièce où plusieurs conversations se croisent, j’ai souvent du mal à en suivre une, j’ai juste l’impression d’être au milieu et de saisir des bribes dans tous les sens. Des fois, je souris à des gens qui croient manifestement que j’ai entendu ce qu’ils venaient de dire alors que pas du tout, j’ai zappé et croisé leur regard.
Enfin bref. J’ai besoin de me rassembler parce qu’on vient de passer huit heures entre gares métro et train après trois nuits sur des canapés (très confortables.)
Mardi, nous avons rallié Paris. Il s’agissait de passer la nuit chez Damien (Sophie était absente) avant de reprendre le train pour Bruxelles. Partie pas trop compliquée, Paris est à moitié désert et Montpar’-Daumesnil se fait sans mal. J’aime bien ce quartier. En y repensant, il y a un feeling assez similaire dans le coin de Nadia à Bruxelles, on remonte pareil un boulevard très fréquenté pour arriver dans une rue parallèle. Enfin, parallèle genre « à côté », géométriquement c’est perpendiculaire.
Damien avait reçu des ordres de dernière minute et devait partir pour l’Angleterre le lendemain. On a squatté son appart’ et embêté son chat en son absence toute la matinée suivante, donc.
Puis c’était Daumesnil-Gare du Nord et Gare du Nord-Bruxelles Midi, et métro sortie Louise/Louiza ; j’ai bien aimé tout de suite, le double affichage, genre j’étais dans Duolingo IRL.
J’ai eu un doute salutaire avant de me coucher, ça m’a évité de couvrir de sang le canapé de ma belle-sœur. En revanche le lendemain du coup c’était l’apocalypse – et au final j’ai taché une de ses chaises, youpi.
On a parcouru le centre de Bruxelles à pied, la ville me plaît beaucoup. J’avais le bide tendu comme une baudruche et définitivement, il faut que je voie un orthopédiste, dès que je marche avec autre chose que des chaussures… de marche, j’ai les abducteurs en compote. Nadia nous a emmenés déjeuner dans un resto street-food taïwanais végan et c’était vraiment très bon (en même temps à partir du moment où tu mets de la sauce au beurre de cacahuète, je suis forcément conquise.) Après une sieste, on est allés faire une escape-room. Gydo a pu se libérer de sa journée de télétravail pour nous accompagner, c’était très chouette (après, si l’envie te prenait de m’inviter à faire un escape-game, sache qu’en réalité je ne suis d’aucune utilité : c’était ma deuxième seulement, et à chaque fois c’était avec des gens très expérimentés, ils vont beaucoup trop vite pour moi.)
Jeudi 29 août, 23h40
Pas réussi à me coucher à l’heure, j’aurais dû décrocher une heure plus tôt. Je suis quand même confiante, pour la simple raison que le rituel s’est frayé un chemin à travers moi, et pas moi à travers lui. Douche, tisane, écriture, et même la liste du petit déjeuner préparée en avance, parce que je ne croyais pas que ça arriverait, la sérénité des choses ancrées.
Je suis contente de mon emploi du temps (pourvu qu’il reste comme ça), je suis contente de mes classes, et très heureuse des retrouvailles avec les collègues. Nos relations étaient comme je m’y attendais, chaleureuses, amusées ou indifférentes, cohérentes dans tous les cas, et ça m’a fait un bien fou, de ne pas m’être trompée en accordant ma confiance ou mon respect. Sans doute parce que, comme je le disais à Ubik, j’expérimente un effet à retardement de la titularisation : je me sens chez moi dans ce bahut, et c’est la première fois.
Je n’ai pas la méfiance, la défiance, de Nat, je sais qui sont mes alliés. Et je ne vois pas le mal partout, parce que je suis alignée, alors qu’elle a toujours été sur la défensive. Ils lui ont fait de sacrées crasses et je la soutiens à 100% dans ses amertumes actuelles. Mais, de fait, elle a toujours cheminé seule et en opposition à. Ça me fait me sentir honorée de compter parmi ses amis, d’autant qu’elle est généreuse et entière. Mais je n’ai jamais compris certains de ses jugements. C’est bizarre, elle est bien plus nuancée quand il s’agit des gens qu’elle apprécie.
Bref. Demain matin, une réunion de travail qui promet d’être interminable, et puis la liberté, jusqu’à lundi après-midi et la rentrée des BTS. Et puis tous les autres. Et je crois que ça va bien se passer, parce que je suis alignée.
Dimanche 1er septembre, 22h40
Toujours alignée, d’avoir célébré la fin de l’été, et continué d’explorer les sentiers retrouvés. Poursuivrai-je la rédaction de ces listes aussi futiles qu’essentielles dans ce que j’ai d’ores et déjà décidé d’intituler le Book of Days, le journal qui succédera à ce carnet [celui que je rédige à la main, NoteDeLaRédactrice] ? Je crois bien que oui. Elles me sont familières, et j’en suis fière.
Tellement fière du chemin accompli, d’être là ce soir, où je me sentais devoir être, et pas en fuite sur une piste glissante. Tellement fière d’avoir préparé cette rentrée de manière à voir ce que mon emploi du temps me laisse de libertés ; de m’être occupée de moi pour me sentir entière, et d’avoir choisi – on verra – d’abandonner relations et habitudes qui me tirent en arrière, alors que j’ai tant à explorer, à m’enthousiasmer et à me reposer. Je serai égoïste, cette année : je veux être libre d’être heureuse, comme je me suis octroyé le droit d’être malheureuse jusqu’à présent.
Lundi 2 septembre 2024, 19h23
Journée calme, en témoignent les encoches dans la liste d’hier ! J’ai réinstallé Tickit, toutes mes alarmes, et une appli pour suivre mes jours de sobriété (avec laquelle je compte tricher parce que je n’envisage pas de ne pas boire le weekend. Je réinitialiserai si je faillis en semaine.)
Je me sens déterminée, en partie parce que j’ai parfaitement planifié ma semaine (et les suivantes, en ce qui concerne la préparation de cours). C’est une énorme source de stress en moins, et comme les rituels que je suis parvenue à construire, il faut que j’en prenne la pleine mesure et que je m’en souvienne : à quoi bon s’infliger une telle angoisse quand on peut faire autrement ?
…
De nouveau, c’était la rive, j’ai souri, c’était tellement bien de me retrouver là ! Il y avait des roseaux, ou des herbes hautes, au premier plan, et dans le ciel un oiseau, comme un trait de pinceau noir.
Mardi 3 septembre, 21h16
Deuxième soir sobre, sur le moment c’était plus dur, forcément, j’étais en pleine forme et motivée. Pastis sans alcool et balade au soleil ont calmé mes réflexes. Pas question, de toute manière, de court-circuiter cette belle énergie, qui me manquait. Et le réveil, aussi pénible soit-il à 6h30, était bien plus agréable. La qualité du sommeil, c’est le premier truc à s’améliorer, sans délai.
J’ai rencontré presque toutes mes classes, je suis confiante, même si les MCO ça va vite être une plaie. En contrepartie, ils ont de longues périodes de stage, et on me paie plus cher pour leur faire cours, alors… ! En plus, je ne les vois qu’en tout début de semaines, en deux demi-journées c’est réglé…
Les pauvres, ils ne m’ont rien fait et j’anticipe déjà ^^
Mercredi 4 septembre, 16h00
Coup de barre de l’hyperespace. Je ne sais pas si c’est d’avoir déjeuné trop tard, ou si c’est le contrecoup normal après des semaines d’abus ; genre, après deux jours de sobriété et dénués d’angoisse, mon corps percute qu’il peut arrêter de lutter ? En tout cas, j’ai la tête comme une pastèque et plus aucune énergie.
21h15
C’est plus dur d’admettre une journée « imparfaite » quand j’ai deux applis pour en garder le souvenir. Ça chiffonne ma maniaquerie et me donne envie de tricher. Mais non, il faut accepter sans se flageller : pas question de donner à Angoisse le moindre os à ronger.
Pas de liste pour demain, je veux prendre le même petit-déjeuner que d’habitude, assurer mes cours avec l’énergie de ces derniers jours, et récupérer Ubik en forme à sa sortie de l’hôpital – après avoir réussi, j’y crois, à l’y emmener !
Vendredi 6 septembre, 21h30
Rencontré tous mes élèves. Hier était étrange, un peu hors du temps ; le temps de l’hôpital, même quand on y va pour un truc bénin, s’étire jusqu’à devenir filasse. Rentrés à 20h, nous avons bu, ce qui lui était interdit pour raison médicale et me l’était pour raison d’éthique personnelle.
Je me suis pieutée à 22h, autant parce que j’étais fatiguée que pour ne pas retomber dans mes propres travers.
Aujourd’hui, deuxième jour avec les ST2S, deux d’entre eux m’ont impressionnée, un m’inquiète, l’ensemble me ravit. Je me sens à ma place parmi eux, cette année. J’ai vu les cinquièmes pour la quatrième fois, ça va fonctionner. Cette année va être belle, j’y crois, je le sens dans mes tripes. Si, et seulement si, je persévère. J’ai même pas peur.
2 commentaires
Y croire toujours. Je crois que c’est ce qui nous porte dans tout.
Belle semaine et belle année!
Merci, Marie !