Écritures à la petite semaine #6
Montagnes russes
Mardi 2 juillet, 9h42
« I am home », répétais-je docilement (et dans ma tête) après l’instructrice de l’appli lors de ma méditation d’hier soir.
Le fait est que ça m’a aidée à retrouver mon chemin, aussi j’ai recommencé ce matin. La porte s’est ouverte, je suis descendue… et c’est avec une certaine confusion que j’ai découvert que ma jolie plage s’était muée en une crique bordée d’immenses falaises calcaires, sous un ciel gris tempête.
Soit je me suis trompée d’endroit (ce pourrait fort bien être un coin de cette île visitée plusieurs fois en rêve), soit il faut me faire à l’idée que ma géographie intérieure soit impactée pour de vrai par mon expérience sensible – ou, c’est une autre possibilité*, manipulée à sa guise par Angoisse.
* pas la plus enthousiasmante. Ce matin, j’ai déjà la sensation d’être montée à bord d’un de ces manèges à sensation qui vous jettent dans le vide et vous remontent à toute vitesse – un aller simple vers la gueule de l’enfer, elle me laisse repartir, m’aspire à nouveau.
Et puis tu sais quoi, j’en ai marre de lutter. Si je dois passer ma matinée enfouie sous un plaid à passer des bras d’Angoisse à ceux d’Indo, alors soit.
J’ai tout essayé, ces dernières années. Autant admettre que c’est aussi incurable que mes maux de ventre, et en prendre mon parti. Si quelqu’un me cherche, je vogue sur ma méridienne, sur un océan de synthé-guitares.
22h35
Ma cure anti-anxiété à base d’Indochine, de tisane et de bière le soir (pas hier !) fonctionne très bien. J’ai écouté Nos célébrations environ vingt fois et je n’ai pas l’intention de m’arrêter là.
J’ai fini de corriger mes copies de bac.
Ubik part demain à Metz pour les obsèques de son oncle. Il a pris seul une décision que j’étais incapable de prendre, et je l’en remercie. Je resterai à la maison avec les masques apprêtés par les fantômes tandis qu’il ira affronter les siens. Le pire de mon hypocrisie résidant dans le fait que ça me servira de prétexte pour esquiver une soirée à laquelle j’ai peur d’assister.
Je suis soulagée d’apprendre que je ne devrais me rendre nulle part ces prochains jours.
Je suis allée sur la tombe de Kitsu, aujourd’hui. Je suis d’abord passée voir Ubik en mode « Rachel ne voit pas son bébé sur l’écho » – moi je ne trouvais pas la pierre symbolisant le lieu.
(le rappel que j’ai mis sur mon téléphone vient de sonner. Il dit « va te coucher ». Devine ce que je vais faire.)
Bénis soient mes remords.
Indo – Station 13.
Je me sens tellement… légère, là tout de suite.
J’étais tétanisée par l’incertitude, des dates, des obligations. Je ne savais pas si j’aurais fini de corriger mes copies et quand bien même, je dois tout reprendre, m’assurer que je n’ai pas noté sous le joug de la lassitude, voire de l’aigreur. Je savais tout au fond de moi que je ne voulais pas aller à cette soirée. L’expérience m’a appris que j’en attendais quelque chose que je n’obtiendrais pas. J’étais déjà déçue, à quoi bon (et peut-être que les gens là-bas sont aussi déçus par moi. Je ne sais pas. Je sais juste que c’est trop tard. Si on avait voulu rectifier, on l’aurait déjà fait.) Ne me reste qu’à écrire à LN qui, je l’espère après ce que nous avons échangé, comprendra. Question : un mensonge pieux qui teinte la vérité de ce qu’il faut de convenable, ou la vérité ?
Mais c’est quoi, la vérité, Nath ?
La vérité, c’est que j’ai pas envie. Une part de moi, oui. L’autre, c’est celle qui a peur, tu te rappelles ? Et celle qui a peur gagne souvent, tout simplement parce qu’elle a bien plus souvent raison. Celle qui veut, elle a envie de reconnaissance et d’amitiés. Celle qui a peur, non seulement elle se souvient qu’on se sent mieux seules à la maison, mais en plus elle sait qu’on va pas trouver notre place. On va être fatiguées, on va avoir envie de rentrer tôt, on va se perdre entre les conversations croisées dans lesquelles on saura pas s’impliquer.
Et oui, on sait, on pourrait essayer. Candice était d’accord quand je lui ai dit qu’on se ressemblait plus qu’on n’avait eu l’occasion de se le montrer. Mais elle ne m’a pas plus contactée que moi je ne l’ai fait, et j’ai plus envie d’être celle qui tente.
Ici, un merci immense à celles qui tentent et ceux qui restent. Vous n’imaginez pas ma gratitude. Enfin, si, peut-être. Putain qu’elles sont reloues ces formulations toutes faites que je ne sais pas traduire en version non péremptoire.
Vendredi 5 juillet, 22h17
Et une autre année scolaire dans les pattes. Je repense à ce billet où je te parlais de dix ans alors que ça en faisait onze, mais bon, t’as l’habitude que je ne sache pas compter.
Alors, cette AG de fin d’année. C’était très, très chiant, mais je reconnais que je ne suis pas dans le bon état d’esprit. J’en retiens surtout que Rozenn quitte Saint-Do pour ND et même si je serai sur les deux sites, ça me rend triste (c’est sa faute, aussi, elle a pleuré). Perdre Guy et Rozenn d’un coup, ça va faire un sacré changement.
00h03
Y’a des lucioles dans le jardin !!!
Lundi 8 juillet, 11h27
1. Le résultat des élections hier soir est un soulagement immense, même si vu les scores du RN, notamment par chez moi, m’incitent à penser que les prochaines présidentielles seront tout aussi anxiogènes.
2. Ubik et Maloriel m’ont organisé un anniversaire surprise en faisant venir toute la bande, et offert le meilleur des cadeaux : un petit séjour dans un gîte en centre Bretagne au mois d’octobre… tous ensemble. Je suis comblée et emplie de gratitude. J’essaierai de convoquer ces sentiments lors de ma prochaine attaque de panique (il y en a d’ailleurs eu quelques unes en début de soirée, samedi, et me souvenir que quoi qu’en pense mon cerveau débile, et aussi paradoxal que ce soit, je me suis sentie en sécurité parmi eux, c’est aussi une chose qui devrait m’aider.) Angoisse peut bien revêtir tous les masques qu’elle veut, tenter toutes les approches, aussi inopinées soient-elles, j’ai une belle vie et les meilleurs amis du monde, et ça, elle ne peut pas me l’enlever.
7 commentaires
– Il y a plein de phrases qui ont fait écho dans ton article, et qui me rappellent à l’importance du partage. J’ai souvent peur de radoter ou d’être incomprise en racontant mes errances dans mes propres marais intérieurs, alors que cela me fait du bien à lire chez d’autres. Merci beaucoup comme souvent pour ce rappel et pour ta transparence.
– Joyeux anniversaire du coup ! Etait-ce le 7 ou le 8 ?
Moi aussi cela me fait toujours beaucoup de bien de lire tes questionnements, d’abord parce qu’ils font écho et c’est sûr, je recherche plutôt la compagnie de gens que je comprends et qui me comprennent ^^… Mais aussi parce que ce n’est pas si facile au quotidien d’avoir accès aux émotions les plus profondes d’autrui, et je trouve ça enivrant et enrichissant d’avoir la possibilité de ces connexions qui nous rappellent qu’on n’est pas seuls dans le brouillard.
Merci !! Mon anniversaire est demain, en fait ;P
Si le 8 ton anniversaire est demain, c’est donc que c’est aujourd’hui (moi aussi j’ai des problèmes avec les comptes !!) alors Joyeux Anniversaire !! et Angoisse, on l’emmerde le plus fort et le plus possible !
Et finalement, est-ce qu’on aurait pas le droit de passer une journée enfouie dans un plaid sans culpabiliser ?
Merci beaucoup ! <3
Je suis d'accord, Angoisse, on l'emmerde. Et j'suis sans doute à la moitié de ma vie - à peu près -, alors oui, je passerai s'il le faut des journées sous mon plaid sans culpabiliser. On n'en a qu'une, de vie, enfin je crois, alors autant la consacrer à ce qui est nous, ce qui donne du sens, ce qui nous fait vivre pleinement, du mieux qu'on peut.
Tellement d’échos dans ce que tu vis, jusqu’à l’évitement de soirées, jusqu’aux bras baissés d’avance..
Je viens d’essayer de mettre en mot, mais j’ai effacé, je n’arrive à rien. Mais des échos, punaise.
Un bon anniversaire à toi :)
Merci !! <3
Il y en a beaucoup, des échos, entre nous, aussi je te remercie de partager de ton côté, ça me fait tellement de bien...!
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