Écritures à la petite semaine #7
Aphélies et périhélies.
Léger retour en arrière
Mardi 21 mai 2024, 21h.
Je dois constamment faire des efforts pour me rappeler de prendre soin de moi. Même si elle n’est plus sous-tendue par un mal-être, ma tendance à l’autodestruction semble mon premier mode d’existence. Mon mode par défaut. Je sais pourquoi : mon moteur, c’est la peur ; mais même si l’ivresse (dans tous les sens du terme) a le pouvoir de la dissiper, elle n’en revient que renforcée. D’abord parce que, lorsque j’émerge d’un cycle de frénésie, je ne suis plus tout à faire sûre d’avoir vraiment vécu, et puis parce que vider mes batteries n’est pas le moyen le plus efficace de lutter contre la mort.
Mais si chaque tentative est un pas sur le chemin, alors chuter n’est pas reculer, et ce carnet constitue la preuve qu’aussi malhabile soit ma danse, je n’en trace pas moins, peu à peu, des glyphes pérennes.
Aphélie
I’m a paraphrase
Of silence as I’m floating over
nameless days
Lundi 1er juillet 2024, 20h23.
(…) Ces derniers jours, je n’ai été qu’agitation, fébrile et désordonnée. Je n’étais plus moi-même, plus entière, mais la proie d’une seule voix, celle de la vieille aux cheveux blancs (…)
Périhélie
Mardi 16 juillet 2024, 17h06.
Hier soir, ce n’était plus la mer mais un lac immense. J’étais bien, très calme, jusqu’à ce que tout vole en éclats. J’ai pensé : « voilà, c’est ça, ‘normal’, pour moi, pourquoi je m’acharne, toutes mes tentatives ne sont que des pis-aller. »
you’re the voices swallowing my soul
Mais ce n’était pas vrai. Le calme est revenu peu après, et aujourd’hui je suis en paix.
La vérité, c’est que c’est comme une allergie : mon cerveau ne réagit pas comme il devrait, il sur- ou més-interprète et envoie des messages sans queue ni tête, qui provoquent des réponses sans rapport avec la situation.
Ou alors, si c’est une hantise, eh bien il faut croire que parfois, Angoisse part en vacances.
J’ai tout aimé de ma journée de daronne *, aujourd’hui : les courses alimentaires, l’achat de panières pour mes magazines, la confection d’une tarte aux prunes, la vaisselle, et aussi la lecture, les tasses de tisane dans le canapé, la méditation et les chroniques Babelio.
Je le sais, pourtant, ce qui me fait du bien. Mais il me faut chaque fois forcer le rituel pour m’en souvenir – remarque, la bonne nouvelle, c’est que mes glyphes brillent chaque fois un peu plus. En quelques sorte, chaque fois les formules me reviennent plus facilement.
(ces alarmes sur mon téléphone étaient vraiment une bonne idée)
* j’adore être une « daronne », en fait. Enfin, une vieille, à défauts d’enfants.
Mercredi 17 juillet, vers 9h30.
Matin doux. L’air est frais encore, mais le soleil grimpe doucement dans le ciel, et éclaire déjà jusqu’au jardin d’aromatiques. Les oiseaux se succèdent. Où vont-ils quand ils partent ? Les premiers sont deux merles qui braillent le temps de nous réveiller, parfois interrompus par un choucas. En arrière-plan, nettement plus timide, un serin raconte des choses en une syllabe. Plus loin, il y a un verdier – enfin, il faut que je vérifie tout ça. Les merles envolés, mésanges et rouge-gorge prennent la place. Les premières font tomber des prunes en s’ébattant dans l’arbre. Un pigeon relie de sa douce mélodie leurs piaillements joyeux.
La tarte est très bonne et j’ai dosé mon café à la perfection. Je suis vêtue de bleu, nuances de ciel, à mes oreilles pendent des boucles aux reflets d’ormeaux.
Des nuages se glissent devant le soleil. Il faut s’y faire. Cela ne change rien pour le pigeon ni les papillons blancs ou bruns qui virevoltent entre la lavande et le talus où frênes, pruneliers et ronces s’entremêlent. Revoilà une mésange qui picore une prune. Elle a raison, elles sont délicieuses. Le soleil est revenu.
Deux arums italicum (en tout cas ça y ressemble fort) sont apparus dans les taillis. La vivacité des baies rouge orangé attire l’œil. S’il ne pleut pas, je planterai l’agapanthe cet après-midi. Les nuages s’amoncellent à l’ouest, mais il reste des traces de bleu. Une légère brise agite le cerisier. Tout est aussi silencieux, si ce n’est plus, que dans mon paradis fauve – et perdu – de Sanary. Aux yeux humains, cet endroit m’appartient. Je continuerai d’œuvrer pour en faire un sanctuaire, qui peu à peu refermera ses branches autour de la maison, cette maison que j’adore, voguant à travers le temps sur son îlot de verdure.
1 commentaire
Tous les jours, des journées comme ce 17 juillet….