Florilège #1 : Seuil
Pluie, fatigue et re-pluie : en janvier toute la Bretagne a déprimé à l’unisson, je te jure.
J’entre dans l’année comme je suis sortie de la précédente : à genoux. C’est sans doute exactement ce qu’il convient de faire, en tout cas je préfère éviter de dévisager le dieu des commencements. Je ne suis pas sûre qu’il le prendrait mal, mais pas persuadée non plus d’avoir envie d’affronter son regard et d’y lire l’avenir.
La grippe de Décembre se délite en lassitude. Le 6, j’accueille mes 5D comme je le dois, mais pas de la façon dont je le voudrais. J’ai zéro patience et je vacille. Je finis par les lâcher cinq minutes en avance, et je me traîne jusqu’à la vie scolaire pour annoncer que ça va pas être possible, je rentre chez moi. J’attends Ubik dans le vestibule, ça me fait chier d’avoir dû l’appeler mais au moins comme ça tout le monde peut voir que c’est pas un fake, je ne vais pas bien : le complexe de l’imposteur me poursuit jusque dans mes coups de mou.
Quelle plaie le lendemain de reprendre à 8h avec les MCO. Je n’ai plus rien de moi à leur offrir. Aucune envie d’aller les chercher et les ramener. Ce sont des étudiants, pas des collégiens, ils ne veulent pas, très bien, je discute avec ceux qui tentent et me détourne tout à fait des autres. Je ne sais plus si leur conseil de classe était le soir-même, mais j’étais satisfaite d’entendre un découragement similaire chez mes collègues, y compris des matières pro.
Le 10, je regarde mon premier film de l’année, et c’est une expérience étrange. Le paysage et les conditions météorologiques me font penser à Skyrim avec le mod survie. One and four s’avère curieusement hypnotisant malgré un évident décalage culturel. Trop d’ellipses et de moments où je n’ai pas compris, je n’en saurais pas plus, les critiques spectateurs – ou pro – semblent avoir toutes disparu d’internet.
Je ne me souviens pas ce qu’il se passe la semaine suivante, seulement que c’est la dernière avant le départ en stage des MCO, et que c’est un soulagement. Ah, si, je vais à Rennes, comme la semaine de la rentrée. Deux séances de trois heures pendant lesquelles je vois disparaître mes dents du haut avec effroi, la dentiste n’en laisse que des débris, bien pires que les chicots bordés de noir qu’il me restait. Une fois qu’ils sont couronnés, je n’en reviens pas. Après que l’incisive droite ait été un peu limée, je me découvre un sourire agréable, que je ne m’étais pas vu depuis vingt ans. Et j’articule sans efforts.
Le vendredi, je n’ai plus assez de cerveau pour quoi que ce soit, alors je lance En eaux très troubles. Le film est familial et plutôt fun, mais j’en espérais tout de même un peu plus que le discours des méchants qui, en plus d’exposer leur plan d’un bout à l’autre, s’avèrent si bêtes, premier degré, basiquement vilains que même Disney aujourd’hui n’oserait plus les écrire. Et l’ado qui se la pète alors qu’elle a vu quatre morts, manqué crever elle-même et l’a évidemment pas bien vécu, et qui à la fin se la joue héroïne… Merde, quoi.
Le samedi j’enchaîne deux ou trois épisodes de Cauchemar en cuisine, dont un qui m’a beaucoup émue, mais finalement je ne me souviens que de ce dialogue, dans un autre : « je me rends compte que je voulais tout porter sur mes épaules.
– ouais bah après t’as le rôle de l’homme quoi. »
Toute une société résumée en deux phrases…
Le soir j’ai regardé Night Swim, j’ai bien aimé, les perso étaient sympas (et puis ça n’arrive jamais qu’un protagoniste ait la sclérose).
Lundi soir je prends le temps de me plonger dans une vidéo d’Alt236. Une promenade surprenante, plus solitaire que terrifiante, quoique… En tout cas, Alt est toujours un maître en matière de narration. Sa manière de nous perdre avec lui en nous entraînant dans son errance fonctionne systématiquement sur moi. Et cette balade-ci était particulièrement inattendue.
Mercredi est le jour de mon rendez-vous téléphonique mensuel avec Eliness. Pour la première fois, nous nous quittons sans en fixer un nouveau : dans un mois, nous nous verrons en vrai, avec dame Ambre. Je crois que nous nous rencontrerons.
Eli me demande si ce soir je vais à nouveau me dissoudre dans Civi (elle ne le formule pas comme ça). Je suis contente de répondre que non : ça fait quelques semaines que j’ai ouvert un onglet pour nous rappeler de voir Donjons et Dragons, et hier on a prévu cette séance tous les deux, on a vraiment envie de tailler dans les habitudes trop bien installées. On a adoré : le cabotinage de Hugh Grant, les échecs et les réussites critiques et toutes les références à des univers vidéoludiques dans lesquels on a tous les deux passé du temps.
Janvier court. À la psy qui me demande pourquoi j’éprouve tant de réticence à l’idée de me rendre aux AG, je m’entends répondre que j’ai l’impression de passer ma vie au boulot. Je me corrige immédiatement : en ce moment, je ne fous rien. En revanche, je déteste ne pas savoir à quelle heure je vais finir. Je ne dis pas qu’en ce moment je n’en peux plus de voir des gens, en partie parce que j’ai peur de m’enfermer dans une cercle vicieux – moins je me bouge, moins j’en ai envie. Mais c’est vrai que l’enchaînement conseils de classe et Portes Ouvertes me pèse. BBM et son amie sont venus nous voir le 25, je venais de passer le vendredi soir puis le samedi matin à parler à des inconnus, j’ai bu comme un trou et ne me suis même pas levée pour leur dire au revoir. Depuis le nouvel an, je ne sais plus boire, apparemment, et me tape des gueules de bois de l’hyperespace.
Le 28, je regarde le court-métrage de Natalie Nourigat. C’est le truc le plus mignon et émouvant du monde. Tiens, je te le mets là.
Vendredi, j’ai vu, sans rien en attendre c’est vrai, L’Exorciste – Dévotion, et mon dieu que c’était nul. Et honteux, parce qu’à la limite t’as le droit d’être nul, mais te prévaloir d’un titre comme celui de L’exorciste quand ta seule caution c’est une apparition d’Ellen Burstyn et que tout ce que tu fais c’est de copier-coller des trucs tirés de tous les films du genre parce que le commercial de la boîte a dit que c’était ça qui marchait, c’est juste malhonnête. Sans déconner, y’a pas un moment où j’ai eu peur, et je suis une putain de flippette, surtout sur ce type de sujet.
Je lis le tome 2 de La Glace et la Nuit et me rends compte que je suis incapable après coup de distinguer La Sève et le Givre du tome 1. J’aime l’écriture de Léa Silhol de toute mon âme, mais force est de constater qu’elle bavarde et de ce fait, dilue. Les deux opus qui précédaient Albedo étaient contemplatifs, peut-être à outrance. Dans celui-ci les personnages sont vivants au sens humain, ils perdent leur aura faerico-métaphorique, et ça me perturbe. Le roman y gagne en action et en paysages mais n’en devient pas moins long : ce devrait être une qualité, mais j’aurais aimé plus de descriptions. Seuil se fait attendre et c’est bien, j’espère toutefois ne pas être déçue.
En cours également, Les Quatre Accords Toltèques. Bien plus facile d’accès que les bouquins de Castañeda auxquels il me fait forcément penser ; ce n’est pas une qualité parce que je trouve le propos réducteur, néanmoins j’en tire des préceptes nourrissants.
Le 28 aussi, je découvre Madam et ça fait du bien ! Cette vibe entre Manson et My Ruin, sur ce morceau en tout cas, avec des accents clairement Hole sur d’autres, me ramène droit en adolescence et me rappelle combien je trouve exutoire d’entendre une meuf chanter/crier.
2 commentaires
Il faudrait que je ressorte Les quatre accords Toltèques qui est enfoui dans ma PAL depuis un certain temps !
J’espère que février commence mieux et que tu vas reprendre le dessus. Et oui, merde aux étudiants qui veulent pas écouter, c’est ma technique ^^
C’est une lecture très facile et rapide, que je te conseille. Y’a pas mal de blabla autour de Dieu et un petit côté satisfait de soi, mais les quatre accords en tant que tels me semblent très convaincants !
Merci pour le soutien ♥ Février commence mieux mais sur les rotules, ceci dit les vacances arrivent. Et oui, collégiens et lycéens je veux bien me démener, mais des étudiants faut pas pousser :)