La réunion des spectres [Miscellanées de juin]
We can’t count on the past. Memories fade. We can fade at anytime.
Juin se traîne, mais pas du tout comme Janvier. Il laisse derrière lui une traînée de pétards, bruyants et inconséquents. Enfin… Oui, non, Juin c’est le mois qui te laisse de toutes petites cicatrices. Dernière heure de cours après dernière heure de cours. Les troisièmes, qui certainement avaient autant à cœur d’échapper à un travail rébarbatif que d’être gentils, m’ont accueillie avec les White Stripes à fond les ballons et un tableau recouvert d’inscriptions adorables, que j’ai évidemment photographiées, pour les jours « sans. »
C’est moi qui ai apporté m&m’s et haribo à mes ptits loups de 5e, parmi lesquels quelques filles ont eu la décence d’adopter un air bouleversé à l’idée qu’on ne se voie plus. Les secondes me manqueront toute ma vie. Clara m’a envoyé un message dont l’objet est un smiley.
J’espère m’être fait une copine de Marie, ma collègue d’anglais, mais je sais très bien ce que sont les fins d’années, entre nostalgie et nouveau départ.
Jeudi soir, j’étais déprimée, sans savoir pourquoi. Ben parce que la fin d’année, béta, c’est toujours pareil. Les gosses que t’as vu grandir sans qu’ils s’en aperçoivent, et qui se carapatent à la fin de l’heure sans un regard en arrière – et c’est normal. Demain, toi aussi t’auras de nouveaux élèves qui te feront oublier les précédents. Enfin, pas tout à fait. Quand André, Noémie ou Audrey surgissent du rétroviseur dans ton nouveau présent, tu es toujours aussi émue de les voir réapparaître et de discuter avec eux.
Aujourd’hui, premier jour des oraux de l’EAF, j’ai reconnu le nom d’une autre Noémie sur la liste. Elle aussi s’est tout de suite rappelé de moi et m’a adressé un grand sourire. « T’es contente de me voir ?
– Oui. »
Ma ptite joueuse de Fortnite. Toujours la même, en un sens. À arracher un 12 là où elle pourrait obtenir 16. Nonchalante, la Noémie. Juste ce qu’il faut de confiance en soi (et de mauvaise humeur, à l’époque.)
On les prend pour des cons, nos élèves. Je mets des 16 à ce qui valait 12 autrefois. Et je ne dis pas ça en mode « bouh, les jeunes aujourd’hui. » Je dis ça parce que justement ils ne sont pas plus cons que nous, mais que le gouvernement en attend si peu.
J’envisage tout de même d’ouvrir un compte Twitter, parce que les perles du bac tiennent super bien en 240 caractères :D.
Je rêve énormément, même éveillée. Je ferme les yeux et tout se bouscule, sans aucune cohérence.
Je passe toutes mes soirées dans Amalur, Skyrim quand je suis fatiguée et plus en état de me concentrer.
J’ai lu Luca et Labyrinthe de Franck Thilliez, La chasse de Bernard Minier (hihi) et suis présentement plongée dans La vie invisible d’Addie Larue de V. E. Schwab, un pur délice d’écriture sensuelle et de personnages touchants. Je remercierais presque les éditions De Saxus d’avoir tant retardé la sortie du tome 3 de Nevernight : n’ayant rien d’autre à acheter ce jour-là à Rennes, j’ai de nouveau fait confiance à une libraire (une jeunette, à Critic, qui m’a fait me sentir incroyablement vieille en me demandant si j’avais fait mon stage à la librairie ou aux éditions. « Ah oui, quand m… » s’est-elle écriée et interrompue quand j’ai dit « ah non, les éditions n’étaient pas nées à ce moment-là ! »)
J’ai pleuré en écoutant Les pieds sur Terre, comme souvent. Cette émission-là était consacrée à Marie et Kahina, qui nous ont raconté leur parcours de lycéennes SDF.
Ce micro-trottoir de Guillaume Meurice m’a fait beaucoup rire, mais peut-être faut-il avoir vécu à Rennes, et se demander dans quel état il nous aurait trouvés s’il avait été là un soir où on était en train de chanter-gueuler dans les rues pour trouver ça drôle ;) (je précise que j’écoute plus trop Meurice parce qu’il m’énerve un peu, et quand il ne m’énerve pas, il me déprime. Mais pas là :P)
Ça date d’avril apparemment, mais Hocico a sorti son nouveau skeud.
Sur Shadowz, j’ai vu We are still here et They live in the grey, deux très beaux films de fantômes où tous sont stuck in their pain, les vivants comme les morts. Sur Netflix, Stranger Things saison 4 me fait chier, pour le moment. Entre les « ados » joués par des mecs de trente ans et le fait que les scénaristes aient décidé de balayer tout ce qui m’avait fait chialer, pour le fan-service, je suppose, je suis un poil saoulée.
The sky is haunting and alive,
I feel the storms descending.
And hope now stands alone
Before the blackness all around.
(…)
So I’m forced to close my eyes
And live within my dreaming.
Tomorrow may not come,
But today is mine to live.
Juin est… vaporeux. Et mélancolique. Sans doute parce qu’en ces derniers jours ce n’est pas moi qui me mets en scène, mais les jeunes qui l’un après l’autre viennent s’asseoir en face de moi. Les STMG sont incroyablement décontractés, pour la plupart. Ils me font marrer : ils vendraient des bagnoles à des aveugles :D Les ST2S, aujourd’hui, étaient tétanisés. « Je suis nulle », m’a dit l’une d’elle. Note à qui viendrait par ici : ne pas savoir faire quelque chose ne fait pas de toi quelqu’un de nul, à qui telle ou telle sphère de connaissance serait interdite. Ça fait juste de toi quelqu’un qui ne sait pas faire un truc. (Les élèves, un bon rappel de ce qu’on devrait se répéter à soi-même. Sans doute pour ça qu’ils m’émeuvent autant.)
Je pourrais écrire ici un genre de contrepoint à la citation que j’ai choisie en ouverture de ce billet. Quelque chose comme « We can’t neither count on the future. Possibilities fluctuate. We can stumble at anytime. » (j’ai regardé plein de sites, je ne sais toujours pas où placer « neither », aidez-moi.)
À l’heure où j’écris, il y a trois postes vacants en Côtes d’Armor. J’ai de grandes chances d’être envoyée… hors académie. Je savais que ce n’était pas une bonne idée de passer le concours cette année, en même temps je ne veux pas cesser de me réjouir. Ce concours, ça reste quoi qu’il en soit une légitimité acquise. On verra bien.
Ubik me dit de mettre « La Réunion » en premier choix d’académie si ce n’est celle de Rennes. Il me semble que c’est une décision invraisemblable à prendre d’ici le 6 juillet. Je l’écris ici pour que tu le saches si on devait décider un truc dingue sur un coup de tête, et pour m’en souvenir en cas de regrets.
Je nage sans savoir où, et je ne contrôle pas grand-chose, de toute façon. Il fait un temps typiquement costarmoricain, dans ma tête comme en vrai.
5 juin 2022
« Je souhaite pour toi que ta vie soit belle avec tout ce que tu désirais… Je n’ai jamais rien désiré de la mienne… mais je ne suis pas malheureuse pour autant… »
Je trouve que c’est un des pires trucs qu’on m’ait jamais écrits. C’est pas comme si j’étais pas au courant, hein. Je comprends que, quand moi j’envisageais qu’on se crashe dans un platane, Mylène n’y pensait pas. Elle ne pensait à rien. Elle est tout à fait sincère quand elle me dit qu’elle n’a jamais rien désiré. Et revoilà Nachtblut, et les ongles plantés dans mes poignets et mes orbites. Sous les côtes, une force qui ne demande qu’à jaillir, quitte à tout briser sur son passage. Dis, on peut vivre sans tout saccager ? Y a-t-il un autre moyen de crier qu’en s’arrachant la peau ?
D’abord Julia, puis Mylène. C’est la crise de la quarantaine, c’est ça ? On se retrouve entre spectres ? À qui on écrit ? Au souvenir de ce qu’on était à 15, 20 ans ? Forcément, oui : on ne se connaît plus. Pourquoi vous faites ça, les filles ? J’ai mis dix ans à faire semblant de vous oublier, qu’est-ce qui vous prend de vous pointer maintenant ?
Les doigts remontent dans ma gorge, ma respiration bien que sifflante s’accélère, j’ai des traces de griffures plein la figure. Comme si un truc plein d’ongles, mais pas malintentionné, m’avait rattrapée.
Je me sens triste, ces jours-ci. Ou peut-être juste à fleur de peau. J’ai l’impression d’être sur le point de me briser en mille morceaux, sans que ce soit forcément négatif. C’est juste que je ne sais plus qui je suis ni de quoi j’ai envie. C’est juste que la cohorte des Nath passées s’est pointée sur le rivage de l’océan onirique et que je marche au milieu d’elles, mes certitudes, du moins mes espérances quant à l’avenir à nouveau effacées dans le remous des vagues. Le mois de juin n’en finit pas de s’achever, et je n’ai pas la moindre idée de ce qui vient après.
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[…] Elsa, et Tes états d’âme Éric, Juin c’est la saison des citrouilles et des souvenirs qui attendent sur le pas de la porte, Juillet les rêves enfuis le visage hors le sable, Août les textes inachevés, le 22 et les […]