Miscellanées d’Avril
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Mars, avril, mai. Les mois de printemps ont toujours été mes préférés – n’en déplaise à la goth en moi (je devais être vraiment fracassée pour me complaire dans ce cirque macabre, si intimement lié à mes pires angoisses et si éloigné de ce qui me fait vibrer.)
Mars, avril, mai. J’aime égrainer leur nom, d’abord parce qu’ils sont trois – vous savez que j’aime les rythmes ternaires ! Un, deux, trois, c’est une valse, un, deux, trois, c’est un mantra. Le deux apporte un souffle, fait comme une apostrophe ’ : une suspension. Un instant hors du temps, une liberté prise ou… la poignée d’une tyrolienne, à saisir pour descendre à toute vitesse en poussant des cris enthousiastes (oui, j’ai un rapport étrange à la typographie.)
Quoi de mieux pour commencer ces miscellanées, parties pour être incroyablement fourre-tout, que de vous introduire à ma passion esthétique pour les nez bossus ?
Il n’en faut pas plus pour me faire fondre (j’avoue que le fait que ces nez appartiennent souvent à des types basanés ne fait qu’ajouter à leur charme fou.)
Ceci dit, ils peuvent être blancs aussi. Satyr, je le mets dans mon lit quand il veut :
En parlant de mecs au teint cuivré, avril aura été le mois où je suis devenue accro à Top Chef. Entre les passages narratifs lus avec l’acceng du sud par des chefs qui ne les ont certainement pas écrits, la musique épique et les épreuves what the fuck, j’ai craqué.
Confinement, enfin, vacances anticipées obligent, j’ai développé une autre addiction, à The Elder Scroll Online. Ça a commencé par un week-end gratuit, qui s’est terminé en achat parce que le jeu était en promo à huit balles. Et vu le temps que j’y ai déjà passé, c’est largement rentabilisé. Si j’ai fait 10 % du contenu de base, c’est le bout du monde.
Comme le jeu se présente comme un MMO, je n’étais pas sûre d’accrocher, mais en fait le contenu solo est juste incroyable. Les quêtes et la manière dont le jeu propose de les résoudre sont variées, et même les missions secondaires nous renseignent sur le lore et complètent ainsi les informations recueillies durant la quête principale. Les paysages sont sublimes, l’histoire de chaque faction prend corps dans des personnages bien campés (et j’ai enfin croisé un Zévran, après avoir rencontré au moins trois Cullen1 :P) Il y a des milliers de choses à faire, de gameplays à explorer et comme le jeu s’adapte au niveau du joueur, on peut explorer toutes les régions sans s’inquiéter. Tous les combats ne sont pas faciles, même si j’ai trouvé que certains boss n’étaient pas à la hauteur. Mais bref, j’ai été complètement happée par l’univers et le game-design (et pour quelqu’un d’aussi nul que moi, maîtriser le combat en temps réel relevait de la gageure.)
Une fois n’est pas coutume (mais confinement le devient), j’ai pas mal lu, au mois d’avril.
D’abord Les noces de la Renarde de Floriane Soulas. Entre Japon médiéval et Tokyo contemporain, nous suivons les destins parallèles de Hikari, une kitsune, et de Mina, une lycéenne qui peut voir les esprits. Honnêtement, même si je ne peux pas nier avoir été suffisamment enthousiasmée pour finir le livre en deux ou trois jours, « Coup de cœur des Imaginales », ça m’a semblé assez surfait. C’est une chouette histoire, plutôt trépidante quoique pas très originale. Mais c’est surtout au niveau du style que je trouve la récompense exagérée. C’est très lisse, j’ai envie de dire presque scolaire. Il y a les bons mots aux bons endroits, mais rien de personnel. Ceci dit, après en avoir parcouru quelques pages, ma sœur a constaté qu’elle n’était pas d’accord avec moi, donc comme c’est par ailleurs assez cool si vous aimez les histoires de yokai, je vous le recommande.
Ensuite, j’ai lu L’incivilité des fantômes de Rivers Solomon, que j’ai adoré. Il y a de supers résumés sur Babelio, je vous laisse les découvrir. Pour ma part, ce sont surtout les personnages qui m’ont plu : Aster, peu féminine selon les standards en vigueur, se situe également quelque part sur le spectre du trouble autistique, du moins c’est mon impression. Le Chirurgien lui, n’est pas un homme au sens masculiniste du terme. Giselle, très antipathique, est aussi une femme broyée qui a sombré dans la folie. C’était hyper cool de découvrir des figures aussi peu normées, et un point de vue très féministe sur la vie dans le Matilda (c’est le nom du vaisseau.) Ça change vraiment et fait de L’incivilité des fantômes une lecture hyper enrichissante.
Elle voyait ses lèvres bouger, mais elle ne comprenait pas du tout ce qu’il disait. C’était le Silence, et comme toujours, le Silence apparaissait au pire moment imaginable : un accès de surdité temporaire, qui lui rappelait son enfance. Cela se produisait souvent quand elle était tendue.
L’incivilité des fantômes, Rivers Solomon, p172.
Ceci est la description exacte d’un phénomène que j’ai souvent expérimenté durant mon adolescence ! Ça m’a tellement rassurée a posteriori…
Après quoi, j’ai lu La Fontaine des âges, une novella de Nancy Kress. J’ai bien aimé, le style est nerveux et vif, à l’image du protagoniste, mais bizarrement j’en retiens surtout ce que j’y ai appris de la culture des Roms. Je n’ai pas vraiment été transcendée par l’histoire et j’ai eu du mal à visualiser les décors – comme souvent en SF, mais là je trouve que ça manque vraiment de détails.
Enfin, j’ai terminé mon périple livresque avec un OVNI : un bouquin que je n’aurais jamais acheté s’il n’avait pas figuré sur l’étagère « coups de cœur » de mes libraires. Le démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie est un roman très dur, aux antipodes de ce que j’aime lire. C’était une lecture éprouvante, mais magnifique. L’auteur démontre une empathie et un humanisme qui me semblent très rares dans le paysage de la littérature blanche2 française. Mon seul bémol sera au niveau du style : bien qu’il soit superbement écrit, il l’est par un narrateur pour qui l’école, ç’a été compliqué. Résultat, même s’il s’exprime plutôt bien et se montre capable de véritables trouvailles poétiques… il ne ponctue presque pas. C’est assez pénible, il faut le temps de s’acclimater. Et comme je me suis tartiné pendant toutes les vacances les copies mal ponctuées de mes élèves, j’avais un peu mal aux yeux !
Sur Netflix, j’ai vu deux films qui m’ont plu (et un que je n’ai pas aimé.) N’écoute pas, malgré certaines facilités d’écriture (le traditionnel personnage sorti de nulle-part pour vous confier une information capitale, par exemple) était beaucoup moins cousu de fil blanc que ce à quoi je m’attendais. Il m’a même vraiment étonnée à plusieurs reprises.
Quant à Dans les angles morts, il prend le contrepied des histoires de fantômes habituelles et sa fin, très symboliste, m’a plu. J’ai tiqué une ou deux fois, quand le propos se fait trop explicite – c’est pour moi là aussi une facilité d’écriture, dont on aurait d’autant plus pu se passer que les personnages et la narration sont très bien construits. Mais justement, cette puissance évocatrice m’a convaincue et j’ai beaucoup aimé.
Enfin, je me suis promenée sur le sentier au bord du Trieux en bas de chez moi, du côté que je n’avais encore jamais exploré (l’entrée longeant le camping, je ne l’avais pas vue !) C’est vraiment très beau, on chemine le long de la rivière, le granit affleure par endroits en falaises impressionnantes et la végétation est variée. Et on a cueilli de l’ail des ours, qui a l’air de bien se plaire dans le jardin !
Notes
1 Zévran et Cullen sont des personnages de la franchise Dragon Age. La voix française de Zévran, incarné par David Krüger, est sexy en diable.
2 La littérature blanche, ou littérature générale, est la littérature qui ne relève pas de la littérature de genre.
2 commentaires
Je suis en train de rattraper tes derniers articles que je m’étais mis de côté et pour celui-ci, j’ai deux commentaires que je crois t’avoir déjà fait par le passé :
– J’adore voir des photos de ton quotidien et environnement (qui a l’air absolument merveilleux)
– OUI pour les fils conducteurs improbables (en l’occurrence ici les nez), ça me fait du bien de voir qu’on a tous des obsessions étranges qui lient joliment certains fils de vie ensemble.
Merci 🙂
J’hésite souvent à poster mes photos parce qu’elles n’ont d’autre valeur que de témoignage (je veux dire par là qu’elles ne sont pas intéressantes techniquement ou artistiquement), mais j’avoue que j’aime bien, justement, ce côté album personnel, même si ça pose la question de pourquoi les exposer. Donc, merci, je suis contente que ça te plaise !
Ravie aussi que tu sois sensible à mes errances éditoriales 😛