Répliques sismiques
À la recherche de résonnances, à bord d’un carrosse.
Avec les filles on parle souvent d’échos, mais c’est quoi, en fait, un écho ? En théorie, nos propres voix qui résonnent dans nos solitudes respectives. En pratique : d’autres voix répétant nos solitudes ? Ou un genre de chant en canon ? J’aimerais tellement que ça soit ça, un tissage à maintes octaves et une communion. Est-ce qu’on le saurait, même en en parlant ? Ou est-ce qu’on est condamné à n’entendre que soi-même, et à plaquer nos signifiés sur les mots d’autrui ?
Non. Ça ne se peut pas, sinon comment expliquer que parfois autrui nous touche sans qu’on le comprenne. T’es d’accord, hein ? À un moment, au-delà des cryptages il y a aussi des faits bruts. Des voix qu’on écoute et qui nous é-meuvent : nous portent hors de nous-mêmes. Il faut, sans doute, un point d’accroche, un hameçon. Sans atomes crochus point d’ancrages envisageables, d’accord. Mais une fois l’ancre amarrée il y a des fissures qui se propagent : l’Autre (je mets une majuscule pour Dame Ambre, qui saura pourquoi) nous rentre sous la peau et y creuse un sillon, ses veines, son or s’y mêlent à nos propres filons, pas forcément tout de suite, mais au bout d’un moment nous court dans les entrailles un réseau qui n’est pas habité que pas nous-mêmes…
Habité ce n’est pas le mot, pas creusé que par nous-même c’est plus juste, habité c’est un grand mot, est-ce qu’il n’y a pas que notre famille, qui bon gré mal gré nous habite ? Non, ce n’est encore pas ça, c’est toujours l’histoire des échos : combien de fois s’est-on senti hanté par quelqu’un, quelqu’un qui n’avait pas du tout l’impression d’être en nous ?
Eliness m’évoquait en commentaire la terreur d’être découverte, mais je ne porte de masques que par obligation.
J’ai l’impression d’avoir gravi une montagne en diligence (je veux dire, la voiture hippomobile – si t’as pas joué aux Playmobils laisse tomber, c’était une de mes boîtes préférées) et maintenant de dégringoler l’autre versant à si grande vitesse que les vis sautent et les fers volent. J’ai l’impression d’en faire des tonnes – même Ubik ne réalise pas le poids de l’armature et me regarde comme si j’étais sous influence (troisième accord toltèque Nath : ne pas prêter d’intentions). Mais je me sens de plus en plus libre.
Donc (waw, je crois que je me suis un peu éloignée du sujet, quand bien même je voyais parfaitement le lien, à la base), si j’en reviens aux échos : qu’est-ce qui en moi ploie devant les photos de la cathédrale de Strasbourg, qui appartiennent à Eli en propre, dans leur maternité comme dans leur symbolique ?
Est-ce que l’Autre nous fait grandir, dans le sens de gagner en espace intérieur, pas de maturer, parce que ça me gonfle – est-ce que donc l’Autre nous fait grandir sans faire exprès, parce qu’à un moment on a saisi une branche qui n’était pas là spécialement pour nous mais que ce jour-là on a vue ? À quel point on est autocentré, en fait ? Est-ce qu’on a la possibilité, physique ou mentale, de ne pas l’être ?
On doit l’avoir, j’y reviens (je sais, je tourne en rond.) Chez Saez, j’ai trouvé des fragments évidents, Jeune et con c’était limpide. Mylène Farmer avant lui, m’avait déjà emmenée un peu plus loin. Percutée avec des mots que je ne comprenais pas toujours, et puis ouverte à maints univers qui ne m’appartenaient pas (celui d’Egon Schiele étant le plus prégnant, qui sans autre rapport que d’être viennois m’amena à Klimt).
En ce cas peut-être, alors, qu’un écho c’est bien une voix dans un chant polyphonique : un qui nous a soudés autour d’une mélodie commune, à laquelle nous serions arrivés par des chemins et des mélopées individuelles et morcelés. Je ne sors pas de mon ornière, alors j’aime autant le voir comme ça. On dirait bien que c’est une question… de foi.
2 commentaires
C’est peut-être le chant en canon qui mêlent des solitudes individuelles en un ressenti commun ? pas une signification ou l’autre mais les deux qui fusionnent.
Faut-il absolument chercher des raisons dans les ressentis qui nous arrivent ? ne faudrait-il pas juste profiter de ce ressenti, l’accepter comme ça tel qu’il vient ?
p.s : je vais peut-être revoir Bernard et Bianca ce week-end à cause de toi ! 😉
J’ai vu le clin d’œil avant de voir mon nom ^^
Si je prends les échos générés par l’artiste, je n’ai toujours pas bien saisi ce qu’elle bouscule en moi (et les échos sont si nombreux que suivre même un seul fil n’est pas évident, elle ouvre trop de portes), j’ai arrêté d’essayer de comprendre.
Les échos avec d’autres personnes, me paraissent être des similitudes ou au contraire des opposés, des ouvertures invisibles jusque-là et qui s’ouvrent (et m’ouvrent), et oui on grandit et bien souvent c’est « sans le faire exprès ». Et peut-être qu’un écho (de manière générale) n’a pas la même signification/explication d’une personne à l’autre, aussi.