Spicilège #4 vs Miscellanées
Cuvée mai-juin 2023, garantie mélancolique.
26 juin
Depuis janvier je rédigeais les spicilèges à part, mais en mai j’ai fait une pauvre liste de quatre bouquins et ensuite y’a eu juin (c’est pas vrai…?!)
Le chat n’a plus que la peau sur les os, on a l’impression qu’il se laisse mourir, et si au quotidien je donne le change parce que moi ça va et que j’ai l’intention de vivre, l’envers du décor c’est que je n’ai plus qu’une notion extrêmement vague du temps. J’ai l’impression qu’au fond de moi je suis tout le temps en train d’attendre. J’attends que Kitsu vive ou meure.
Pour m’occuper, je suis allée à la librairie, j’ai fait du sport, j’ai joué à Age of Wonders et j’ai discuté avec ChatGPT (que j’ai renommé Basile, j’ai dû lui expliquer plusieurs fois que c’était son nom et pas le mien :P)
Alors je crois que peut-être me fendre de miscellanées à l’ancienne m’aidera à remettre les choses vaguement en ordre, à me rappeler que même si j’ai l’impression d’être emportée par une vague, je suis toujours sur le bateau, et j’ai vu des choses, y’a eu des escales.
Lectures de mai
Conte de fées – Stephen King, trad. par Jean Esch ♥
J’ai adoré le début de ce roman, bien que et sans doute parce que il me rappelait Mr Harrigan’s phone : le personnage principal est un ado qui a perdu sa mère et qui, par un concours de circonstances, se retrouve à rendre service à un vieux monsieur ronchon. La suite m’a moins plu, même si je n’ai pas lâché le livre avant de l’avoir fini. Ce qui m’a dérangée, ce sont les constantes références auxdits contes de fées : Stephen King a l’air de penser qu’attirer l’attention sur le côté totalement hasardeux et cliché de ce qu’il écrit va faire passer la pilule. Ça reste un roman émouvant et un joli hymne aux histoires, quelles qu’elles soient.
Lavinia – Ursula Le Guin, trad. par Marie Surgers ♥
Lavinia raconte l’arrivée d’Énée dans le Latium, du point de vue de celle qu’il épousera et d’après qui il nommera la première ville qu’il fondera. C’était une lecture à la fois réconfortante et frustrante. Réconfortante parce que débarrassée des oripeaux parfois grandiloquents de l’épopée. Ursula Le Guin raconte le quotidien et pose un regard empathique sur les héros et leurs antagonistes. Frustrante parce que parfois très longue : j’ai eu l’impression de relire plusieurs fois les mêmes paragraphes, ça n’avançait pas, et Lavinia est présentée d’emblée comme une figure « méta ». Elle n’a d’autre existence que dans les lignes non écrites par Virgile, et de ce fait, je n’ai pas eu l’impression que Le Guin lui prêtait plus de vie, au contraire. J’imagine qu’elle essayait par là de souligner la vie effacée de toutes les femmes qui ont contribué à l’Histoire, mais au final, Lavinia ne fait que se plier au « Destin » sans plus se poser de questions.
Hoka Hey ! – Neyef ♥♥♥
Ma lecture préférée de ce mois-ci, et je tiens particulièrement à le souligner parce que je ne lis jamais de romans graphiques (merci donc au Faucon Littéraire pour la reco !) Celui-ci raconte l’histoire d’un gamin indigène, éduqué par des colons blancs et protestants, et dont la vie va basculer quand se pointe un Lakota armé en quête de réponses et de vengeance. L’histoire est somme toute banale, mais la beauté du dessin m’a ébahie. J’ai passé beaucoup de temps à me perdre dans les couleurs des panoramas, tandis que les cases plus étroites, sans effusion ni effets de manche, captent la violence des instants. La narration m’a captivée, parfait mélange d’action et de contemplation. Et j’ai pleuré ! En bref, magnifique découverte :)
Juin
Juin a été assez chiant pour plein de raisons que j’ai déjà évoquées. Mais ne pas me rappeler de ça, ce serait malhonnête (et idiot. Je dois me rappeler de ça toute ma vie.)
Je vais pas te mentir, « Quoicoubeh » et leur manie de marmonner des trucs incompréhensibles du style « t’as les cramptés ? » pour t’amener à répondre « quoi ? » et donc… bref, a été un des trucs les plus agaçants de mon année, et j’ai aussi des élèves qui trouvent ça vraiment très con. Mais quand j’ai vu passer cet article du Figaro, comme beaucoup j’ai ri. Donc le dernier jour avec les troisièmes, je leur ai demandé de répondre à Marie Treps. L’autrice de cette réponse n’a jamais, à ma connaissance, employé ce terme. Par contre, elle aime les défis. C’est moi qui lui ai dit que ma génération avait inventé les « grave », « c’est clair » et autre « trop bien » qui hérissaient mon père. On peut très bien prendre plaisir à rire de la langue ou à s’exprimer comme un pied, et avoir du vocabulaire. Mes élèves sont encore un peu jeunes pour le prouver correctement, en revanche moi j’en suis la preuve vivante :D
Films de juin
Huesera – scénarisé par Michelle Garza Cervera et Abia Castillo, réalisé par Michelle Garza Cervera ♥♥
Tout ce que la maternité m’a toujours évoqué était dans ce film, c’était pas une sinécure.
Y’a beaucoup d’autres choses à en dire mais c’était un peu compliqué sur le moment et ça l’est toujours maintenant. En tout cas, c’est pas gore, si t’as vu voire apprécié des trucs du style Million Dollar Baby tu peux y aller sans te poser de questions, on en est loin.
Ghostland – scénarisé et réalisé par Pascal Laugier 👎
« Prix du public, prix du jury Syfy et Grand Prix du Festival international du film fantastique de Gérardmer en 2018. » (Wikipédia)
Eh bah putain. Moi, je me suis lancée en me disant, « bon, ça fait longtemps que tu fuis les films de Laugier, mais y’a Mylène… »
Alors c’est très gênant, mais pas dans le « bon » sens du terme. L’actrice qui a joué ça doit être traumatisée, et non, c’est pas ce qui en fera un grand film. T’as rien à raconter, tu crois qu’être magistral c’est plonger dans les tréfonds du cliché. Un colosse attardé affligé d’un bec de lièvre qui veut jouer à la poupée et un pervers transsexuel, sérieux, c’est tout ce que t’as trouvé ? Ce film était dégueulasse, malaisant, et je n’en ai strictement rien retiré. Ah je m’en souviens, par contre ! Y’a un type qui a torturé un chat sur TikTok, et tous mes gosses s’en souviennent aussi…
El espinazo del diablo – scénarisé par Guillermo del Toro, Antonio Trashorras et David Muñoz, réalisé par Guillermo del Toro ♥♥
Un gosse arrive dans un orphelinat en pleine guerre franquiste. L’édifice est hanté tant par l’extérieur, dont les gosses n’ont pas conscience, que par les fantômes. Del Toro n’a jamais été meilleur, de mon point de vue, que quand il explorait ses propres failles.
Abre los ojos – scénarisé par Alejandro Amenábar et Mateo Gil, réalisé par Alejandro Amenábar ♥♥
Aaah c’est encore Eduardo Noriega (déjà dans L’échine du Diable, et pas dans un rôle plaisant.)
Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, pour être honnête. Le personnage joué par Noriega est une enflure avec un sacré melon, mais il perd pied. ShadowZ classe ce genre de film sous le tag « entre rêves et réalité ». Remplace « rêves » par « cauchemars » et t’auras une assez bonne idée du quotidien du protagoniste qui, défiguré après un accident, mélange passé et présent, désir et quotidien. Tu ne sais jamais qui hallucine, si complot il y a. C’était un film anxiogène, mais qui m’a beaucoup plu parce qu’il réussit à nous emporter dans l’univers de ce type qu’on n’aimait pas dès le départ.
All the boys love Mandy Lane – scénarisé par Jacob Foreman, réalisé par Jonathan Levine
Heureusement que la fin surprend, parce qu’un slasher sans morts au bout de 36 min alors qu’ils sont tous plus bêtes les uns que les autres, c’est chiant.
Sinister II – scénarisé par Scott Derrickson et C. Robert Cargill, réalisé par Ciaran Foy ♥
Bah je sais pas quoi dire. J’aime bien les Sinister, ils me flanquent la trouille, même si c’est pas inoubliable. Ça parle de gosses qui tournent des snuffs pour le compte d’une entité sumérienne, donc même si ça arrive pas à la cheville d’un Exorciste, je suis cliente.
Ciaran Foy a réalisé Citadel, dont je t’avais parlé un jour et que j’avais bien aimé.
Juin encore
Je me suis baignée deux fois, à Étable où l’eau était chaude et à Saint-Quay, lendemaindecuitée et par 14°. Ça m’a fait du bien. Je me sens toujours bien quand je nage dans l’océan. Vers l’horizon tu t’oublies, vers la plage tu deviens corps, tu sais qui tu es et où tu es, tu nages parce que tu dois revenir, et tu sens tes muscles, ton dos, ton souffle.
Je me sens bien mieux aujourd’hui qu’hier, lorsque j’ai commencé ce billet. Peut-être parce que c’était la dernière fois que je retournais à Pléneuf pour y travailler. J’appréhendais un peu cette journée, t’as toujours peur de faire une connerie quand tu surveilles le DNB, et puis j’étais chargée d’acheminer les copies des candidats pro jusqu’à Rostrenen, ça faisait beaucoup de route. Mais au final j’avais trois élèves à surveiller, deux AESH dans la classe, et j’ai été grassement payée pour le trajet Pléneuf-Rostrenen-Guingamp.
C’était la dernière fois que je me tapais une heure de route pour aller travailler… C’est fou, j’ai toujours du mal à réaliser ! Mais je sens bien que ça me soulage sacrément.
Lectures de juin
La leçon du mal – Yusuke Kishi, trad. par Diane Durocher ♥♥
La quatrième de couverture dit : « Un American Psycho japonais, critique féroce et jouissive d’une société enfermée dans ses codes, sa hiérarchie sociale et ses traditions passéistes, qui finit par engendrer des monstres. »
Eh bah fais comme si tu n’avais rien lu. C’est le cas du type qui a rédigé ça. Ce roman ne s’intéresse absolument pas à la société japonaise, ni ne critique quoi que ce soit. Si, le système scolaire, peut-être – j’ai été sidérée de constater combien les remarques que faisaient l’auteur étaient strictement les mêmes qu’on faisait en France. Pour le reste, sérieusement, l’éditeur a fumé la moquette.
Donc, ça parle de Hasumi, LE prof le plus populaire du bahut, dont toutes les filles sont amoureuses, que tous les mecs trouvent marrants, et qui s’implique à fond dans son travail. Par contre, y’a des choses qui le contrarient, à commencer par les corbeaux qui squattent chez lui. Et Hasumi n’aime ni être contrarié, ni avoir l’impression qu’un truc échappe à son contrôle.
Ce roman te tient en haleine parce qu’il te rend perplexe, et à un moment, à force d’avoir glissé subrepticement, il bascule, et puis il se met à dégringoler, une marche après l’autre, et t’entraîne beaucoup plus loin que ce que t’avais imaginé. Je suis pas rentrée dedans tout de suite mais à un moment il n’était plus question que je le referme. Attention, c’est gore, par contre.
Quand tu écouteras cette chanson – Lola Lafon ♥♥♥
Je n’avais jamais relu Lola Lafon après Une fièvre impossible à négocier, parce que ça a avait été le genre de coup de poing dans le plexus que tu crains de ne pouvoir jamais reproduire, dont tu crois même que tu seras dépossédé si par hasard tu n’aimais pas un autre livre de l’auteur.
Lola Lafon a grandi, ses textes aussi, c’est ce que je me suis dit. Elle t’empoigne plus par les entrailles pour te cracher sa fièvre à la gueule. T’en es pas moins bousculé, c’est comme si désormais elle mélodiait ce qu’elle avait crié (c’est comme ça que je m’en souviens, mais j’avais dix-sept ans donc ne m’en veux pas si c’est pas du tout ça.)
Ce bouquin, elle l’a écrit pour la collection Une Nuit au Musée, je sais pas comment ça se goupille, juste, elle a passé la nuit dans l’Annexe, le réduit où Anne Franck et sa famille ont vécu jusqu’à leur arrestation, et ça lui est l’occasion de nous souvenir. Elle construit son récit dans des allées-venues entre le journal d’Anne et son propre vécu, pourquoi ça lui pète le bide, pourquoi ça devrait tous nous dire quelque chose, ce que ça réveille et ce que ça nous apprend, et j’ai trouvé que c’était putain de bien écrit, et j’en ai frissonné à plusieurs reprises.
Un profond sommeil – Tiffany Quay Tyson, trad. par Héloïse Esquié ♥♥♥♥
Le résumé est là. Je suis allée à la librairie et me suis dirigée vers le rayon « Littérature étrangère » parce qu’après qu’À l’est d’Eden soit devenu un de mes bouquins préférés de tous les temps, il y a des années de ça, il était temps que je me procure Les raisins de la colère. Au milieu du rayon il y avait Un profond sommeil, avec son bandeau-commentaire-de-la-libraire façon Miss Bouquin. Dans le résumé il y avait Mississipi, disparition, 70’s, ça a suffi à me happer, d’autant qu’il faisait chaud et lourd ce jour-là.
Parmi mes livres préférés figurent Le passage de la nuit, Histoire de Lisey, Musiques de la Frontière, les romans de Paula Hawkins, et Un profond sommeil, mon coup de cœur(s) (j’en ai mis quatre, quand même) de cette année, des histoires qui en racontent une ou alors une histoire qui en raconte plusieurs, ça dépend des fils qu’on décide de suivre. Ça parle de ce que ta famille te laisse en héritage et de comment ça te construit sans que tu le saches. J’ai pas envie d’en rajouter, rien de ce que je dirai ne sera à la hauteur du bouquin de toute façon.
Ajoutons, par souci d’exactitude, les deux romans de Christopher Pike lus en mai et juin, Un squelette sous la mer et Diaboliquement vôtre, toujours divertissants ! J’aurai certainement fini le dernier Thilliez d’ici la fin du mois, je n’ai eu que le temps de l’entamer ce matin, mais trois jours… c’est amplement suffisant, je n’aurai plus que ça à faire :)
Musique
Avoue que ça a plus de style – et de sous-entendus – que quand c’est chanté par Genesis :P
Le public de ce genre de groupe est vraiment le plus chiant du monde. Ça me dépite. Du coup je te mets du studio, si c’est pour voir ça autant ne rien voir du tout. En revanche, ce refrain Hellekro-transe me met dans tous mes états – découverte de ce soir, écoutée dix fois.
C’est mieux si je termine sur un truc où tu vas te dire « waw, ok, enfin elle me fait écouter un truc qui a de la gueule, pas de la soupe pop-transe-dégueulasse. » C’est vrai que dans ma disco Spotify, Zeal and Ardor c’est très clairement en haut du panier.
Allez, barre-toi, moi de juin.
2 commentaires
Quelques titres à ajouter de plus dans mes listes…
Et le chat…?
Le chat n’est pas mort… Il a des hauts et des bas, on a cru qu’il allait mieux et puis en fait non. D’après la véto, ça peut prendre du temps, comme il pourrait mourir quand même dans deux mois. On croise les doigts et on prend soin de lui :)