Spicilège #9
De la magie à toutes les époques.
(Je respecte aussi ma sœur, hein, mais je conçois que notre penchant commun pour la musique de kéké n’appartienne qu’à nous :D)
Livres
J’ai déjà posté ces commentaires de lecture sur Babelio. Si tu m’y suis, je suis désolée : je teste, je sais pas trop ce que je vais faire du Spicilège ou de mon compte Babelio à l’avenir.
Les sorcières de Vardø – Anya Bergman- traduit par Fabienne Gondrand ♥♥
Les sorcières de Vardø s’inspire de faits réels et c’est l’une des grandes forces de ce roman : il donne une voix à celles qui ne sont plus, depuis des siècles, qu’une liste de noms, et leur façonne une histoire.
Ce qui m’a embêtée : la narration à la première personne d’Anna Rhodius. Pourquoi elle et pas les autres ? De plus, le fait qu’elle écrive des lettres à son roi me laisse dubitative, car elle lui rappelle des événements qu’il doit fort bien connaître. Parfois ça se justifie (elle lui dévoile son point de vue) et d’autres fois non, car il s’agit de narration, utile au lecteur mais pas aux personnages.
Les éléments magiques aussi m’ont déplu, parce que ça tourne encore et toujours autour du soit-disant pouvoir des femmes. Quand est-ce qu’on nous expliquera que nos forces sont réelles, plutôt que de rêvasser à des dons qui n’existent pas ? En quoi ça nous aide ?
D’autant plus que le roman est très réaliste, par ailleurs, il s’ancre dans l’Histoire.
Ce qui m’a plu : des personnages très bien écrits, très différents et tous crédibles, dont les actes, méprisables ou héroïques, s’ancrent dans leur propre histoire, qui les explicite sans pour autant les justifier. Elles sont ce qu’elles sont, ce qu’elles peuvent. La brutalité de la domination masculine est telle que certaines l’ont intégrée, d’autres s’en défient, d’autres encore s’y résignent.
Pour un premier roman en tout cas, je l’ai trouvé assez remarquable, fort bien écrit et documenté. Les descriptions sont pleines de poésie et traduisent bien la majesté et la rudesse des paysages norvégiens.
Morgane Pendragon – Jean-Laurent Del Socorro ♥♥
Je suis déstabilisée par un paradoxe : ce roman revisite le cycle arthurien en y autorisant des femmes-chevaliers, une fille Pendragon et le culte d’une Déesse, mais présente pourtant son univers comme hostile aux femmes. Elles s’en font régulièrement la réflexion, alors qu’elles sont reines, bisexuelles, mariées entre elles, et en position de refuser des fiançailles, même diplomatiques, si ça ne leur chante pas. Ça me laisse perplexe.
Un autre point noir dans ce récit c’est, pour moi, la narration à la première personne et au présent. Elle est impossible à justifier au cœur d’une bataille, par exemple.
Pour le reste, j’ai beaucoup aimé ce livre. Je connais assez bien le cycle arthurien, aussi j’ai goûté les multiples références à telle ou telle histoire, mais il n’est pas nécessaire de les comprendre pour apprécier ce récit, puisqu’il en mélange les personnages, leurs attributs et leurs légendes – quoi que, ça aussi, c’est savoureux.
Les protagonistes sont émouvants car faillibles. S’ils font preuve d’héroïsme, ils n’en sont pas pour autant des archétypes. Morgane m’a paru tour à tour droite et hautaine, froide et attachante. J’ai aimé qu’Arthur se montre si lâche parfois. Ses atermoiements ne le rendent pas sympathique, mais crédible, oui.
Quant à l’univers, c’est bien celui du mythe, mais contrairement à Chrétien de Troyes, qui porte bien son nom, Jean-Laurent Del Socorro l’envisage côté féérie, et non à travers le prisme du christianisme. Cela confère au récit une grande force symbolique, et poétique. En tout cas le merveilleux m’y a paru moins « accessoire » que dans le roman canonique.
Films
Nursery Rhymes, réalisé par Thomas Noakes, & Wild Love, réalisé par Paul Autric, Zoé Sottiaux, Maryka Laudet et Léa Georges (courts-métrages)
Je crois que je n’aime plus les courts, comme j’aime de moins en moins la plupart des nouvelles : ils me laissent toujours sur ma faim. Ils me font l’effet d’exercices de style, non dénués d’intérêt : le premier est émouvant, le second est drôle… mais aucun des deux ne raconte quelque chose dont je me souviendrai.
Inunaki : le village oublié, scénarisé par Daisuke Hosaka et Takashi Shimizu, réalisé par Takashi Shimizu
C’était un très joli film sur l’héritage familial et la façon dont il s’imprime en nous (littéralement, d’après cette belle scène de projection filmographique sur le corps de l’héroïne.) En revanche, je n’ai pas tout à fait compris la fin.
Deadware, scénarisé et réalisé par Isaac Rodriguez ♥
J’ai eu Internet dans les années 90 : j’ai adoré ce film, qui retransmet tout du long, et uniquement, ce qui s’affiche sur un écran de pc, à l’ère des premiers navigateurs web, des point & click et d’AOL. Quelques coupures au montage viennent deci-delà perturber l’immersion, mais le jeu des deux acteurs m’a totalement convaincue, et le scénario m’a bluffée parce qu’il t’embarque dans une histoire de jeu vidéo hanté pour t’emmener totalement ailleurs, en revisitant le drama du triangle amoureux et le topos de ses conséquences inexorables.
Nan mais, la meuf qui a chroniqué ce film sur Fais pas genre, comment elle m’a envoyée droit dans la vieillesse quoi : « En tant qu’enfant du nouveau millénaire, je n’ai pas eu l’occasion de connaître l’internet des années 90, mais tout cela colle bien à l’image que je m’en suis faite en regardant des images d’archives et des creepypastas. Peut-être que ces visuels seront d’autant plus impactants pour celles et ceux qui ont réellement surfé sur le web à la fin du siècle dernier. Qui sait, peut-être vous sentirez-vous un poil nostalgiques ? »
À la fin du siècle dernier… BEN OUI, EXACTEMENT, ÇA M’A RENDU « UN POIL NOSTALGIQUE ». Pétasse :D
Terre Maudite, scénarisé par Teresa Sutherland et réalisé par Emma Tammi ♥♥
L’être humain est un animal social. On s’en souvient face à ces paysages aussi magnifiques que déserts. Au-delà de tout le reste, c’est la solitude qui prend à la gorge dans ce film.
Next of Kin, scénarisé par Tony Williams et Michael Heath, réalisé par Tony Williams ♥♥♥
C’est bizarre de dire ça, mais les trois quarts de ce film étaient doux, j’aurais dit feutrés, n’était-ce la musique atmosphérique si typique des années 80 (qui pourrait être envahissante, mais ici intégrait des éléments sonores propres à la diégèse, ce qui donne un résultat assez dingue.)
Si Next of Kin avait été tourné aujourd’hui, ç’aurait été en HD avec un éclairage bleu, et on l’aurait classé « horreur » sans sourciller. Au lieu de ça, Tony Williams livre un récit lent, très sensoriel, avec quelques ralentis qui figent les personnages dans des pauses parfois peu avantageuses mais très graphiques, autrement plus percutantes que les images léchées à la James Wan (que j’ai pourtant tellement aimé.)
Le film est si vieux (1982, merci pour moi – enfin en même temps, c’était « au siècle dernier ») et les acteurs si peu plébiscités qu’on n’en trouve que des photographies fort récentes, qui le font paraître encore plus daté. J’imagine que c’est ce qui m’a plu, au fond : ça fait écho à la vidéo du Fossoyeur en duo avec La dernière séance de Marty. Revenir à un cinéma qui n’est pas dans l’esbrouffe, puisqu’il n’en a pas les moyens techniques.
Je sens venir une méchante crise de la quarantaine :P
Black Death, scénarisé par Dario Poloni et réalisé par Christopher Smith ♥♥♥
Un film bien glauque et sanglant, mais ce serait difficile de le lui reprocher : faire le contraire eût été trahir l’époque. Ce que j’ai apprécié, c’est que dieu et maléfices occultes en étaient tout à fait absents. Il n’y avait que la foi des personnages. Ils voyaient tous le monde selon ce prisme. Et au final, ne restait que la souffrance.
Et aussi
Merci Fossoyeur pour la découverte des œuvres incroyables de The Phantom Painter ♥
J’ai emmené les 5e volontaires assister aux sélections et aux enregistrements du Jeu des Mille Euros (d’ailleurs la diffusion c’est cette semaine !!) Voir Yann Pailleret marquer la mesure sur le métallophone pour de vrai et en live a été un des meilleurs moments de ma vie, pour de vrai :D ♥♥
Je suis retournée au théâtre le lendemain, assister à la représentation d’une pièce de Frederic Sonntag, Sócrates. Le footballeur y est aux prises avec lui-même – et un curieux vieillard épris de maïeutique, à qui il doit son nom. J’y allais avec quelques élèves de STMG et contre toute attente, j’ai adoré, et la pièce, et en discuter avec les élèves, notamment le lendemain, quand ils ont rencontré le metteur en scène ♥♥
Ce soir-là, en rentrant, j’ai entendu Bernard Lavilliers en interview sur Inter. Je suis arrivée au moment où ils diffusaient une version orchestrale de Noir et Blanc. C’était la clôture parfaite à cette soirée. ♥
Le lendemain, Océane diffusait Enjoy the silence, juste à temps pour accompagner mon court trajet ♥
4 commentaires
Oh Bernard !! 🧡🧡
Avec cet article, je me rends compte que j’aimerais aller vraiment plus au théâtre mais je n’en ai pas le réflexe et c’est toujours trop tard quand un truc me tente, il n’y a plus de place !
« Je sais pas trop ce que je vais faire du Spicilège ou de mon compte Babelio à l’avenir. » Penses-tu à arrêter d’écrire sur ce blog ? j’en serais vraiment triste…
Non, non, je n’arrête pas le blog ! Je me disais juste que ce serait redondant de chroniquer des livres sur les deux espaces ;)
Et le lendemain de cette sortie, j’ai écumé tout le programme du théâtre et repéré quelques trucs qui avaient l’air trop bien….
Je n’y ai pas remis les pieds depuis. Flemme, Anxiété, besoin de m’enfermer chez moi. Je sais que je rate quelque chose, sans parvenir à ressortir de ma zone de confort :)
Ah ça me rassure !
Je fais sur les deux, car je n’ai pas du tout le même public sur Babelio et sur mon blog…
Et je comprends totalement, c’est quelque chose qui (malheureusement) m’arrive assez souvent. J’ai du mal désormais à m’ouvrir à de nouvelles choses, rencontres même si j’en ai envie