Titubante et féroce
Ça ne devait durer que quelques jours.
Et puis non, rien à faire, je n’y arrive pas. Je retombe dans tous mes travers. Je me couche trop tard à l’heure certes , mais en ayant bu et alors que tout mon corps me crie qu’il a besoin, en ce moment, de dix heures de sommeil par nuit. Je consomme trop de café, et puis là encore il faut barrer : je consomme du café en quantité normale, sauf qu’en ce moment mon corps ne le supporte pas. Je défaille régulièrement, parce que mon cœur bat trop vite. Parce que je suis fatiguée et que plus je suis fatiguée, plus les vertiges sont réguliers, profonds. Ils ne me jettent plus à terre comme avant, c’est comme si j’étais sur un bateau, et ça me donne le mal de mer.
La raison pour laquelle je n’arrive pas à me poser, c’est parce que je ne bénéficie pas de ces plages de temps nécessaires qui sont d’habitude des coupures absolues (mes weekends, donc.) Une semaine idéale, mes soirées sont l’occasion de m’entretenir, si je puis dire. Comme on entretient une machine, littéralement. Mais là, ce dont j’ai besoin, c’est de déconnecter, là aussi littéralement. Alors je joue à Skyrim en sirotant une bière, parce que je ne trouve rien d’autre d’aussi efficace pour me débrancher. Baldur’s Gate est trop exigeant intellectuellement et émotionnellement. Dans Skyrim, je fais ce que je veux, et d’ailleurs en ce moment je joue en mode « very slow run » : je marche, je campe, j’affute mes armes… Je savoure la lenteur nécessaire à l’accomplissement de chaque action. Lenteur qui me semble tout à fait absente de mon quotidien.
Demain, je dois aller chez mon père. J’adore mon père. Pourtant, une partie de moi a envie de se rouler en boule en pleurant : je n’ai pas envie d’y aller, je n’ai pas envie de me retrouver dans cette maison que je déteste, à y chercher désespérément un coin confortable, des objets chargés de sens, n’importe quoi qui me donne l’impression d’être, un tout petit peu, chez moi. Je vais dormir dans la chambre d’amis puisque mon ancienne chambre sert désormais de débarras, alors que cette pièce au moins je l’adorais, j’étais rassurée par le lambris, le balcon, ma bibliothèque…
Je n’ai pas envie de voir la compagne de mon père, je n’ai rien en moi à l’heure actuelle qui me permette ne serait-ce que de la supporter.
Il y a eu les vacances en famille. Le weekend d’après c’étaient les Portes Ouvertes. Cette fois-ci, deux jours en Morbihan – et je viens de passer une partie de mon vendredi entourée de 150 personnes, c’était journée péda. J’ai envie de crier qu’on me laisse tranquille. Mais vraiment : je ressens de la colère, et je sais bien qu’elle est infondée, que personne n’y est pour rien si je me sens comme ça, et que c’est bien normal et chouette que mon père ait envie de voir ses filles. Mais je suis en colère parce que c’est toujours à moi de m’adapter, c’est toujours à moi de comprendre, c’est toujours à moi de faire des efforts et de payer les pots cassés. Enfin, y’en a qu’un, de pot cassé, et c’est moi. C’est moi qui vais devoir me traîner hors du lit, lundi. C’est moi qui vais devoir choisir entre prendre un Xanax et avoir le vertige, moi qui vais devoir décider si finalement je dis « désolée, je ne me sens pas bien » et rentrer chez moi, et d’ailleurs ne jamais décider ça parce que ça me fait bien trop culpabiliser. Je peux pas rater de cours en STMG, on est déjà en retard. Je peux pas rater de cours en 5e, y’en a déjà plein qui ont sauté. Je peux pas ne pas assurer l’heure d’aide aux devoirs ou d’AP, y’a des élèves volontaires et si on ne respecte pas ceux-là… Alors c’est moi qui vais ravaler mes larmes, négocier avec mon irritabilité croissante et finalement noyer tout ça dans quelques verres de mousseux à l’apéro.
Parfois, j’aimerais juste que ce soit plus simple, d’expliquer que c’est pas l’envie qui me manque de voir les gens, et en même temps si. Que ça me coûte, quand c’est dans ces circonstances-là. Et ça me rend aigrie et impatiente, et j’aime pas être cette personne-là.
Et je crois, aussi, que c’est quelque chose qu’en fait je peux expliquer à beaucoup de gens dans mon entourage. Mais pas à mon père.
Tenir encore une semaine. Après ça, c’est pas la peine de me chercher, je serai cloîtrée chez moi le weekend, jusqu’aux vacances, et pendant les vacances aussi, d’ailleurs.
4 commentaires
Mais en fait je me reconnais tellement dans la deuxième partie de ton texte ! cette colère qui grandit d’un coup, sans vraiment comprendre pourquoi, d’être aigrie alors que je déteste ça, d’être invité chez mes parents ce soir et n’avoir absolument pas envie d’y aller, tellement pas que j’ai envie de pleurer alors qu’en fait je les adore et ils ne m’ont rien fait. Mais bon tout ça tient aussi au fait que c’est plutôt ma sœur que je n’ai pas vraiment envie de voir. J’espère que tu vas mieux depuis, je rattrape tout mon retard d’articles dans l’ordre ;)
Comment s’est passé ce dîner ?
En fait, c’est ça le problème quand on devient adulte : on n’a plus le droit de pigner parce qu’on est fatigué et qu’on en a marre. Peut-être que si on se laissait aller à une bonne grosse colère, on en sortirait soulagé ;P
De mon côté moyen, en terme de ressenti, j’ai essayé de faire bonne figure même si je pense que ma mère m’a un peu grillé ^^
Je n’ai pas piqué de colère, j’ai été bien sage et lundi, j’ai regretté parce que ma sœur a (encore) fait quelque chose qui a entraîné des problèmes pour moi.
J’en suis désolée…
Peut-être que c’est une « bonne » chose, du moins en partie, puisque tu n’y as pas exposé tes parents, dont tu m’as dit que eux, tu avais envie de les voir. Maintenant, c’est clair que ça ne change rien au fait que c’est toi qui as dû te réfréner, et pas ta sœur :/