Vertigo – Bilan 2023
Une année à deux saisons.
Sous la voûte crânienne
Le décor est noir et fauve (noir : le ciel, fauve les blés.) Je suis assise en tailleur parmi les épis immobiles, leurs hampes striant l’obscurité malgré l’absence d’éclairage visible.
Je suis assise là, les yeux tantôt ouverts tantôt fermés, et la seule chose que j’entends, c’est mon souffle qui enfle et reflue. J’expire en comptant les battements de mon cœur. Ils vont trop vite, ça fait « inspire : un… deux… trois… quatre ; expire un deux trois quatre cinq six sept huit » je dégringole et la respiration suivante est un peu plus hachée, ça houle en dièses et bémols, et on commence à entendre au loin, par delà les champs, les soupirs d’un océan.
Falaise. Craie, encre dans les fissures.
Le souffle de la mer enfle et reflue, et sous le flot ballotte une ombre blanche.
Intérieur nuit
Pelotonnée au fond de son lit, arc-boutée autour de ses entrailles, elle a gardé la lumière allumée, mais posé un masque sur ses yeux.
Elle marche sur la crête, entre l’écume et les lichens.
Je suffoque sinue slalome inspire consume aspire, j’émerge. Les taches blanches sous la surface s’agrandissent, en-deçà les orques patientent.
Hey you
« Barre-toi ! » Dans sa tête c’est ce qu’elle hurle à Angoisse, dont elle ne supporte plus la face de lune ni les doigts qui pétrissent (regardez-la, dit l’appli. Dites-lui que vous la voyez.)
Mais c’est Angoisse aux cheveux blancs qui se tient sur le seuil et m’exhorte à faire demi-tour. Il n’y a pas d’issue, dit-elle. Elle ne possède aucune appli de méditation pour lui conseiller de me prêter une réelle attention.
Du coup, on a chialé.
Elles entrent en scène
« De quoi tu te rappelles, toi ?
– De Kitsu. De la sensation de tomber. De la lutte, comme si on pouvait chuter et ne pas chuter dans le même mouvement.
– Une demi-année de perdue, donc.
– Non ! Non… C’est loin, juste. C’est… Je sais pas, je suis tellement fatiguée. »
Ça ressemblait à ça
Quelque chose comme 9000 km parcourus entre janvier et juin. Qui défilent aller-retour à travers le pare-brise, fast forward.
En janvier la spirale.
En février la fatigue.
En mars la gratitude et le dépaysement.
En avril la libération, la réapparition et l’abstinence.
En mai la certitude d’être qui je dois et l’épiphanie.
En juin les montagnes russes.
Et puis s’estimer comblée avant de trébucher au seuil d’un abîme.
Se relever d’un mal de terre.
Parler à des entités imaginaires.
Le gouffre dans lequel il fallait sauter
2023 a été une année compliquée. Gratifiante, à bien des égards. Paradoxalement difficile, et je crois que ça s’est noué là, dans le creux entre les très hauts et les très bas, c’est là que j’ai perdu l’équilibre et me suis scindée un peu plus.
Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce qui m’a effondrée ni, encore moins, comment me relever. J’ai posé un masque sur mon visage, pas celui qu’on m’avait conseillé il y a des années, juste un qui cache assez ma peur pour qu’elle ne contamine personne et surtout pas mes élèves. Et j’ai bien fait, parce que parfois ça prend de ces subterfuges pour avancer. Parce qu’aujourd’hui Lou m’a écrit « Merci pour votre bienveillance et pour votre gentillesse. Vos cours me remonte énormément le moral […] » Parfois ça prend ce temps-là de réaliser que le masque, on ne le porte pas que pour soi.
Nath is in the red room
Ça fait un moment que j’y suis enfermée, en fait. Je ne me rendais pas compte que je regardais le monde à travers ses fenêtres. Maintenant, oui, d’où mes pleurs récurrents ces derniers mois. Tout ce chemin parcouru… mais en pensée seulement. Tout ce petit voyage imaginaire, dont il faudra tirer les conclusions cette année.
1 commentaire
J’espère que tu arriveras à te relever totalement, je pense à faire mon bilan aussi et à en garder le plus de positif, c’est con, c’est ultra classique mais putain, si seulement ça pouvait juste marcher… se concentrer sur le positif, oublier le reste, toi sortir de la red room, moi sortir de ma tête des fois. Bref, je te souhaite une bonne année et qu’Angoisse te laisse tranquille !